Lazarevic : un shoot d'euphorie matinale

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Un shoot d'euphorie dans la grisaille matinale. Adieu le travail le dimanche

, la fin de l'écotaxe, la polémique sur les feux de cheminée, les législatives partielles, les sondages sur 2017, attention, flashes spéciaux, l'otage Serge Lazarevic vient d'atterrir à Villacoublay. Ô France matinale, suspends ta cuillier au-dessus de ton café, il atterrit, il descend la passerelle, il embrasse ses enfants, il embrasse le président, le président embrasse ses enfants, il embrasse le ministre, le président ré-embrasse sa fille, tout le monde ré-embrasse tout le monde, on fait durer, si le président pouvait embrasser son ministre il l'embrasserait, on embrasse l'avion, la piste, la tour de contrôle, c'est si beau la liberté, sanglotent d'anciens otages sur les plateaux des chaînes d'info, aller où on veut, quand on veut, manger ce qu'on veut, sans demander la permission, acheter ce qu'on veut, même le dimanche. Non. Là c'est moi qui en rajoute.

Certes, on n'est pas dupes. On sait bien comment cette libération a été obtenue. On le sait même de mieux en mieux. De libération en libération, les enquêtes s'affinent, la parole se libère, et la version officielle -"la France ne paie pas de rançon"- craque de partout. On le sait bien, que si "la France ne paie pas", d'autres paient à sa place, les sociétés employeuses des otages, le Qatar, tout le monde, les journaux, les livres l'écrivent. Chacun le sait, et chacun sait que chacun sait, il faut voir, hier soir, les sourires entendus de l'ancien ministre de la Défense Morin sur le plateau du Grand journal, ses oeillades à ses voisins, les sourires de de Caunes, vous m'avez compris.

Chacun sait, mais on ne l'avouera jamais face aux caméras. Ah non. Des fois que les ravisseurs tomberaient un jour sur le Replay de l'émission, vous imaginez l'incitation ? Car les ravisseurs, dans leurs déserts lointains, sont des imbéciles. C'est bien connu, ils ne lisent pas les journaux, ils n'ont pas de connexion 3G, le temps que les pigeons voyageurs leur portent les nouvelles, on sera l'année prochaine, pour l'instant, ils ne savent rien, ne voient rien, ne voient surtout pas que tous les médias français ont cassé leurs programmes pour le retour de l'otage en direct, ils ne savent pas qu'ils ont réussi, à une poignée, à court-circuiter un pays entier, ils sont hors d'état de vérifier le pouvoir qui est le leur. Chut ! Surtout que personne ne leur dise.

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