Kempf dézingue Pigasse sur Nova, nouvelle radio de Pigasse

Vincent Coquaz - - 0 commentaires


"Sale nouvelle pour la liberté de la presse."

Le fondateur de Reporterre (ex-Le Monde), Hervé Kempf, a fustigé le rachat de Radio Nova, par le banquier d’affaires Mathieu Pigasse, hier... sur Radio Nova (où Reporterre dispose d’une chronique "carte blanche" sur l’écologie depuis un an). Un rachat, annoncé tout début 2015, confirmé lors de négociations exclusives en mai, et finalisé hier par l’homme d’affaires, également co-actionnaire du Monde et de L’Obs.

Pour Kempf, Nova était un symbole de la contre-culture. Difficile donc pour lui de laisser passer le rachat par "l’oligarque", passé par l’ENA et banquier d’affaires chez Lazard. "Il y a des matins comme ça, où des mauvaises nouvelles te prennent à froid comme un coup de poing. [...] Nova appartient maintenant à un de ces oligarques qui plongent le pays dans la situation bloquée qui nous conduit à l'autoritarisme et au repli sur soi", déplore Kempf. Le journaliste reproche aux énarques comme Pigasse de "glaner" voire même "voler" des informations au sein de l'appareil d'Etat pour ensuite faire fortune dans le privé, et éventuellement "racheter des médias".

Quel rapport avec l'écologie ? se demande lui-même Kempf. La croissance et l'inégalité. "Pour Pigasse, «la mère des batailles c'est la croissance». Et la croissance, ça détruit l'environnement. Et la croissance, son grand intérêt, c'est que ça permet de ne pas parler du problème crucial de l'époque, qui est l'inégalité. Les oligarques comme Monsieur Pigasse, ils ne veulent pas en entendre parler."

Le ton "a pu suprendre"

"Va-t-on continuer ce partenariat [entre Reporterre et Nova] ?" s’interroge donc le journaliste à l’antenne. "Reporterre est une association. On va décider ensemble, avec nos lecteurs, et éventuellement les auditeurs." Et lui, qu’en pense-t-il ? "Ma position n’est pas arrêtée, explique-t-il à @si. D’un côté, c’est intéressant pour nous, pour les auditeurs de Nova, pour nos lecteurs. Mais d’un autre côté, Nova est désormais détenue par Pigasse. Ce n’est pas un monstre, qu’on s’entende bien, mais c’est une puissance d’argent, alors que nous on est là pour challenger les médias «officiels»." De son côté, le directeur de Nova, Bruno Delport (par ailleurs militant Europe Ecologie Les Verts), n’était pas disponible aujourd’hui pour un commentaire.

A l’antenne, un peu embarrassés, les deux animateurs ont finalement ironisé sur cette "carte blanche" qui s’est transformée en "tribune", qui ne les met "pas du tout dans l’embarras". "Je ne sais pas quoi répondre, à part qu’on ne vit pas du tout la chose comme toi", tente l'un des deux animateurs. Surtout, les deux semblent un peu surpris. Kempf avait-il prévenu ? "J’ai prévenu Nova de ce que j’allais dire" assure-t-il, conscient toutefois que le "ton" de la chronique, particulièrement offensif, "a pu surprendre". "Après, ce que j’ai dit sur Pigasse, je l’ai déjà écrit, notamment dans mes livres. Notre ligne est connue : sur Reporterre, on n’est pas dans le ronron ambiant, et Nova le sait en faisant un partenariat avec nous."

Nova, Actuel et Jean-François Bizot
Nova, née de la fusion de deux radios "pirates" en 1981, est une station "musicale" aux "origines libertaires", selon Libé. Son fondateur, Jean-François Bizot, figure de la presse indépendante des années 70, a longtemps profité de la bonne santé d’un de ses titres de presse, pour financer la station : Actuel. D’abord mensuel musical underground, Actuel est devenu un magazine plus généraliste dans les années 70 et 80, tendance gonzo-journalisme et cultures alternatives, et a disparu en 1994.

Sur Nova, beaucoup de musique donc, mais aussi un peu d’actu, "glissée comme des messages". "L'information, chez nous, se divise en actu pure donnée à l'antenne et puis ce qu'on appelle les «sonars» qu'on balance comme ça au feeling par rapport à l'actu. Ce sont des commentaires, des jugements sur l'actualité. Pour les élections à venir, par exemple, on va faire des reportages dans la rue, des archives sur l'extrême droite, des sujets sur les squatters... Le positionnement politique de Nova en temps que porte ouverte est essentiellement libertaire" décrivait ainsi Bizot, interrogé par Libé peu de temps avant sa mort, en 2007. La station a aussi été un tremplin pour des journalistes, bien formés mais peu payés selon Bizot, notamment vers Canal+ : Karl Zéro, Philippe Vandel ou Ariel Wizman sont ainsi passés par Nova.

Quelques années après la mort de Bizot, en 2007, ses héritiers ont cherché un repreneur pour Nova, suscitant début 2014 la convoitise de NRJ, Nostalgie, Chérie FM, NextRadioTV (BFMTV et RMC) mais aussi de Patrick Drahi (Libération). Si le montant précis du rachat de Nova par Pigasse n’est pas connu, l’AFP estime le montant entre 15 et 20 millions d’euros.

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