Japon / délinquance : les éditorialistes et la correspondante
La rédaction - - 0 commentairesLa sécurité au Japon, en otage d'un débat d'éditorialistes télé. Nicolas Domenach (Marianne) a-t-il exagéré l'insécurité au Japon pour contrer les arguments d'Eric Zemmour sur RTL, liant l'insécurité aux sociétés multiculturelles ? Tentant de démontrer que le Japon est une société violente, déprimée, "un cauchemar", Domenach se fait vivement réfuter par Karyn Nishi-Poupée, correspondante de l'AFP au Japon.
"Seules les sociétés homogènes comme le Japon, ayant refusé de longue date l'immigration de masse, et protégées par des barrières naturelles, si elles n'ignorent nullement les trafics de mafia, échappent à cette violence de la rue". Cette tirade, extraite de la chronique de Zemmour surRTL, a été éclipsée par la suite de sa chronique (le Conseil représentatif des associations noires a d'ailleurs saisi le CSA suite à sa comparaison entre l'immigration actuelle et les grandes invasions médiévales). Dans ce billet radiophonique, le polémiste affirme que la faible délinquance nippone est due à son faible taux d'immigrés. Une hypothèse que Domenach réfute lors de leur débat hebdomadaire suri>Télé, dans l'émissionÇa se dispute. |
Les deux débatteurs abordent le sujet lors de la séquence dédiée au dérapage de Zemmour sur RTL. Domenach juge que la"vision idéologique irénique [de Zemmour] d'une société fermée où il y aurait la paix" est fausse et relève du "fantasme". Pour étayer ses propos, Domenach évoque l'exemple du "métro du saké" où, "contrairement à ce que dit Zemmour, on se fait agresser autant qu'en France." L'affirmation à de quoi surprendre. Le Japon est connu pour avoir un taux de criminalité parmi les plus bas du monde.
De l'autre côté du globe, Karyn Nishi-Poupée, correspondante de l'AFP au Japon, accuse Domenach de donner de fausses informations et le lui prouve par une salve de tweets. La journaliste publie plus d'une cinquantaine de tweets à l'intention de Nicolas Domenach Installée au Japon depuis 15 ans, Nishi-Poupée s'énerve lorsque Domenach affirme que le métro de Tokyo est aussi dangereux que celui de Paris. Contactée par @si, la journaliste s'insurge : "c'est absolument faux, à un point que sont sans doute loin d'imaginer les Français. A-t-il un jour mis les pieds dans le métro de Tokyo, qui est d'une propreté, d'une ponctualité, d'une fiabilité et d'une sécurité irréprochables, au point que des enfants de 6/7 ans le prennent seuls matin et soir. Le feraient-ils si c'était le coupe-gorge que prétend M. Domenach ? Je ne dis pas qu'il n'y a pas de violence dans la société japonaise, mais ce n'est pas celle que M. Domenach décrit. C'est une autre forme de violence qui se manifeste par des discriminations diffuses, par des humiliations, par une forte pression sociale". |
"Les médias japonais prennent l'exemple de la France pour démontrer les risques de l'immigration massive"
Elle met également en cause les sources de Domenach : "comme preuves de son savoir sur le Japon, il dit avoir appelé deux experts (Jean-François Sabouret et Jean-Marie Bouissou), deux amis qui se discréditeraient totalement aux yeux de tous les Français du Japon et de leurs amis japonais s'ils tenaient les propos que semble leur prêter M. Domenach. Il cite un article du Monde Diplomatique sur l'ultra-violente jeunesse nippone. Il s'est bien gardé de préciser que cet article datait de 1999 et que depuis les jeunes ne sont plus les mêmes. Je peux lui expliquer pourquoi, je viens d'écrire un ouvrage sur ce sujet (à paraître) avec Jean-Marie Bouissou justement."
La journaliste penche-t-elle donc du côté Zemmour ? "Il a pris le Japon comme exemple de sécurité en indiquant que la raison en était l'absence d'immigration. Rien ne le prouve, mais une chose est certaine, à tort ou à raison, la plupart des Japonais sont d'accord avec cette thèse. Qui plus est, les médias japonais prennent souvent l'exemple de la France pour démontrer les risques d'une politique d'immigration massive. C'est une méthode aussi contestable que celle de Zemmour et Domenach." Sur Twitter, la journaliste finit par lui donner un précieux conseil : "Il fallait lui dire que le Japon ne peut étayer son avis, mais sans argumenter sur une violence qui n'est pas".
Elisabeth Denys