Interpellations Veilleurs / Loi Travail : une intox d'Eric Brunet (Libé/Marianne)
La rédaction - - Intox & infaux - 0 commentairesL'animateur de RMC et éditorialiste au journal d'extrême-droite Valeurs actuelles Eric Brunet "démontre" le laxisme des forces de l'ordre à l'encontre des manifestants contre la nouvelle loi Travail en assurant que la "répression policière" avait été plus importante lors de la Manif pour tous. Flagrant délit d'intox débusqué par Marianneet Libération.
"Y a-t-il eu deux poids deux mesures dans la répression policière, lors de deux mouvements qui ont marqué le quinquennat de Hollande : les Veilleurs en 2013, ceux qui étaient contre le mariage pour tous, et les Nuit debout aujourd’hui ? Et bien je peux répondre à cette question". Dans une vidéo de trois minutes postée sur Twitter, Eric Brunet annonce avoir trouvé l'argument statistique imparable pour dénoncer la "mansuétude" du gouvernement à l'encontre des manifestants anti-loi Travail. Dans le message qui accompagne la vidéo, il annonce la couleur : "Incroyable : il y a eu plus de Manif pour Tous arrêtés en 2013 que de casseurs de la Nuit Debout". Un argumentaire qu'il a également asséné dans une tribune de Valeurs actuelles.
"D'abord les chiffres"
"D'abord les chiffres", annonce Brunet au début de sa vidéo. Statistiques à l'appui, il développe : "Il y a eu 193 Nuit debout qui ont été arrêtés, alors qu’il y a eu plus de Veilleurs : 201. Ce qui est tout à fait étrange, c’est que les Veilleurs n’ont blessé aucun policier, ils ne faisaient que lire des textes d’Albert Camus ou de Victor Hugo sur la voie publique mais ils n’ont blessé aucun policier. Il y a donc eu moins de Nuit debout arrêtés et gardés à vue alors qu’il y a eu 350 policiers blessés selon les chiffres officiels" .
Et c'est là que le bât blesse : ces chiffres sont entièrement déformés. Selon Libé, les "193 arrestations en marge de Nuit debout" que Brunet évoque correspondent en réalité au nombre de gardes à vue. Le nombre d'arrestations s'élève donc en réalité à 412 dans l'agglomération parisienne entre début mars et mi-avril, selon le bilan du préfet de police. Le chiffre de 201 côté "veilleurs" avancé par Brunet correspond bien, en revanche, à des interpellations, si l'on se fie au communiqué de la préfecture de police du 15 avril 2013. Les gardes à vue concernaient quant à elles 68 personnes entre le 12 et le 15 avril 2013. Mélanger interpellations et gardes à vue biaise donc la comparaison "implacable" de Brunet. Et Libé ajoute "pour être précis, parler de 201 «Veilleurs» interpellés n’a guère de sens puisque le mouvement des veilleurs s’est précisément constitué après les 201 arrestations et 68 gardes à vue de ce week-end du 14avril".
Pour rendre la démonstration imparable, l'éditorialiste défend également le caractère "pacifiste" des "veilleurs". Mais pour Marianne, "il est par ailleurs faux que «les cathos de La Manif pour tous ne faisaient rien d’autre que lire pacifiquement des textes». Rien que leur grand raout du dimanche 26 mai 2013 s'était terminé aux Invalides par plus de deux heures de violents affrontements avec les forces de l'ordre sur l'esplanade des Invalides. Bilan : 174 interpellations mais aussi 36 blessés dont un journaliste, un manifestant et… 34 policiers et gendarmes".
Libération.fr - 18 mai 2016
Marianne.fr - 18 mai 2016
Dernière erreur dans la tribune de Brunet, le Défenseur des droits Jacques Toubon aurait "jugé «disproportionnée» la répression policière contre les Veilleurs, évoquant même «un recours excessif à la force»". "Faux", déclare Marianne. La décision rendue par le défenseur des droits ne mentionne en effet aucunement "la répression policière" des "veilleurs", et ne dénonce pas non plus de "recours excessif à la force". Tout juste Toubon condamne-t-il le recours "disproportionné" à des cordons de CRS pour encercler les manifestants.
Sur son blog, Brunet admet aujourd'hui que l'"on pourrait débattrede l'imprécision des chiffres" qu'il avance, mais réfute les termes d'"intox" et de "bobard" utilisés par les deux journaux et qui lui semblent "malhonnêtes". L'éditorialiste souligne à nouveau l'aspect tardif de la réponse policière et le fait que "l’État a eu deux façons «très différentes» d'aborder ces deux mouvements de rue en 2013 et 2016".
(par Maxime Jaglin)