Internet nuit-il à la liberté d'expression ? (Maggiori / Libé)
La rédaction - - 0 commentairesInternet, un outil qui appauvrit la liberté d'expression ?
La question peut paraître saugrenue, mais elle est posée par un journaliste de Libération, Robert Maggiori (qui signe depuis près de trente ans dans le quotidien). Déplorant l'appauvrissement du langage d'une manière générale, Maggiori estime qu'Internet a contribué à nuire à la liberté d'expression, au bénéfice (financier) des grands groupes américains (comme Facebook et Twitter) : "Les grands groupes capitalistes qui en bénéficient le plus, et qui en quelques décennies ont acquis une puissance financière et un pouvoir de «formatage» des individus supérieurs à ceux des Etats, ne sont guère soucieux de l’expression, ou mieux, sont davantage intéressés au fait de s’exprimer qu’au contenu de l’expression, puisqu’ils vendent des «connexions», constate le journaliste. A tel point qu’ils ont réussi à convaincre le monde entier, y compris ceux dont le métier est de former, d’instruire ou d’informer, qu’on pouvait s’«exprimer» par un like et que 140 caractères suffisaient à tout dire, tout commenter, tout critiquer". Selon lui, Google, Facebook et leurs consorts ont réussi à "transformer le monde en un peuple de métayers qui, presque à son insu, travaille, jour après jour, clic après clic, à les enrichir". |
Ne voyant pas dans ces outils un nouveau moyen d'expression, Maggiori estime, au contraire, qu'il s'agit d'une régression : "La facilité, la gratuité, la pseudonymie, l’anonymat, le sentiment d’impunité, la vitesse, la viralité, ont fait que, à côté des merveilles qu’il offre, le Web provoque l’ouverture d’un gigantesque vase de Pandore, d’où jaillit comme d’un geyser tout ce que les hommes ont de pire, les mensonges, la perfidie, la cruauté, les extorsions, les arnaques, les faux savoirs, les diffamations, déplore Maggiori. Forcée d’être rapide, instantanée, réactive, l’expression s’est dépouillée de tout semblant d’argumentation, pour devenir dans bien des cas (interrogez un modérateur de forum ou de tchat !) insulte, invective, offense, borborygme, crachat de haine, vomissement de rancœurs, de ressentiments et de frustrations…"
D'abord mis en ligne sur Liberation.fr, puis publié le lendemain dans le quotidien papier, ce réquisitoire contre Internet a été tâclé, sur Twitter, par... le directeur délégué de Libé, Johan Hufnagel :