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  • Siltaar 2 juin 2014 à 12:46
    Publié en premiere instance sur Paris-Luttes.Info : https://paris-luttes.info/relecture-du-probleme-de-la-gauche
    Auteur : @Siltaar

    ## Relecture du « problème de la gauche avec internet »

    lundi 2 juin 2014 , par [Siltaar](../siltaar)

    Plusieurs amis m’ayant demandé de les éclairer sur cet obscur billet
    (http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/05/16/le-probleme-de-la-gauche-avec-internet/),
    et les cyberlibertariens, je me suis contraint à le lire entièrement…

    Pour commencer, Internet et le changement de civilisation qui
    l’accompagne, dépassent tout simplement le clivage traditionnel
    gauche/droite. Un peu comme la question écologiste s’abstrait, elle
    aussi, de l’ancienne grille de lecture politique qui départageait
    l’égocentrisme des riches et celui des pauvres. Avec bien sûr des
    égarés-rêveurs pauvres de droite et de riches altruistes utopiques et
    immodestes, croyant pouvoir changer l’ordre des choses, et muscler le
    ventre mou de la masse.

    Du coup, le titre du billet de blog que nous nous apprêtons à relire se
    présente comme immodeste et racoleur. D’ailleurs le chapeau qui le suit
    précise tout de suite qu’il n’y a pas qu’une seule gauche. Entre un
    mouvement anticapitaliste et le PS aujourd’hui au pouvoir, il y a un
    large spectre, composé de nombreuses nuances et orientations à gauche.

    Ensuite, je suis bien plus habitué à parler des problèmes de la classe
    politique avec Internet. Par classe politique, j’entends l’ensemble des
    gens corrompus qu’on élit en espérant qu’en plus de s’en foutre
    plein les poches ; ils vont en mettre un peu dans les nôtres ; et qu’on
    pourra donc fermer les yeux. Je suis également plus habitué à parler des
    problèmes de la démocratie représentative face à la démocratie
    directe, rendue possible à de nouvelles échelles grâce à Internet, ou
    des craintes générées par la méconnaissance d’un outil nouveau,
    Internet, considéré par beaucoup comme la plus grande avancée de
    l’humanité depuis l’invention de l’imprimerie, que du « problème
    de la gauche avec Internet ». Alors voyons de quoi il en retourne.

    > David Golumbia, auteur de La logique culturelle de l’informatique,
    publie une intéressante tribune
    (https://www.jacobinmag.com/2013/12/cyberlibertarians-digital-deletion-of-the-left/)
    dans Jacobin, le magazine socialiste américain. Comment expliquer,
    questionne-t-il, que si la révolution numérique produit de la
    démocratie, déstabilise les hiérarchies, décentralise ce qui était
    centralisé... bref, favorise les valeurs de gauche, celle-ci semble alors
    plus dispersée que jamais, et même en voie de disparition dans les
    démocraties les plus avancées ?

    Ici, il faut situer le billet de blog original dans son contexte : il
    émane des États-Unis, acteur dominant de l’Internet certes, mais non
    représentatif des 95% restant de population mondiale. La vision de D.
    Golumbia des "valeurs de gauche" apparaît donc fortement connotée. Les
    États-Unis étant dépourvus de parti communiste, il est plus difficile
    pour M. Golumbia de réaliser qu’un mouvement de gauche puisse être
    centralisé et hiérarchique au possible…

    D’ailleurs, lorsqu’il s’agit de "hiérarchie déstabilisée" et de
    fonctionnement décentralisé, c’est plus aux mouvements anarchistes que
    je pense.

    Ensuite, je n’ai qu’à peu près 15 ans de recul en politique mais ce
    que je constate en France, c’est que le PS n’est plus à proprement
    parler de gauche, et laisse la place sur ce terrain à de nouvelles
    formations. Ces formations semblent peut être éparpillées aujourd’hui,
    mais leur nombre témoigne de la vivacité des pensées qu’elles
    représentent. Ainsi, le lien entre la dérive droitière d’une classe
    politique (nos énarques), c’est-à-dire l’abdication du politique face
    à l’économique, et les prémisses des changements apportés par
    Internet à nos sociétés [1] n’est pas évident.

    D’ailleurs, ce n’est pas de la faute d’Internet si l’Europe est un
    grand marché et pas une réalité sociale. Par contre, c’est via
    Internet que j’échange avec des finlandais, des espagnols, des anglais,
    des allemands, des polonais (et j’en oublie) pour coordonner nos efforts
    dans le but de faire rejeter le traité commercial international ACTA
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/Accord_commercial_anti-contrefaçon) [2] par
    le parlement européen (il faut remettre le couvert avec TAFTA
    (http://www.laquadrature.net/fr/TAFTA) en ce moment), et avec des
    brésiliens, des australiens, des islandais, des américains (et bien sûr
    j’en oublie), quand il s’agit d’espionnage de masse
    (https://www.nsa-observer.net/) des citoyens par leurs gouvernements et
    celui des États-Unis.

    Voilà concrètement ce qu’il est possible de faire avec Internet. Ça me
    semble éminemment de gauche (notion de dévouement personnel à
    l’intérêt général, lutte contre les dérives du capital…), et
    c’était bien plus compliqué avant.

    > Pour David Golumbia, la raison est à chercher dans le
    cyber-libertarianisme. Ce terme introduit dans les années 90 par les
    théoriciens des médias Richard Barbrook et Andy Cameron, auteurs de
    "l’idéologie californienne" […] La journaliste américaine Paulina
    Borsook a parlé de Cyberégoïsme. Et le philosophe des technologies
    Langdon Winner de cyberlibertariens...

    Avec cette citation, on découvre qu’on est en train de s’intéresser
    à de l’idéologie californienne.

    Je vais poursuivre parce qu’on me l’a demandé, mais d’habitude je
    passe juste ma route. Ce n’est pas seulement parce qu’ils brassent des
    millions que les gens de la Silicon Valley se croient puissants, mais aussi
    parce qu’on leur accorde trop d’attention…

    On parle donc du cyber-libertarianisme… Ici le préfixe cyber- (comme
    l’auteur l’avoue lui même en fin d’article) n’apporte rien à
    l’affaire.

    On parle également de cyberégoïsme, ce qui semble étrangement faire
    écho a mon introduction, qui définissait la politique comme un équilibre
    des égoïsmes avec quelques égarés à contre courant de part et
    d’autre nageant. Toutefois, on semble loin de la cyberchoucroute de
    gauche.

    > David Golumbia ne donne pas de définition précise de ceux qu’il
    désigne sous ce terme.

    Voilà qui n’est pas très motivant à poursuivre l’analyse, mais je
    m’y suis engagé.

    > […] Pour Golumbia, les tenants de cette utopie se retrouvent sous
    quelques slogans simples comme : "l’informatisation nous rendra libres"

    Et ce magnifique slogan serait de qui ? Un vendeur d’ordinateur ? Je ne
    pense pas que "XXX" fera le bonheur des gens malgré eux.

    Et mettez ce que vous voulez à la place du XXX, ça marche avec :
    "l’informatisation".

    > ou l’informatique est la mère de toutes les solutions.
    >
    > […]
    >
    > Parmi ces techno-enthousiastes, Golumbia range nombre de gourous des
    nouvelles technos : Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, Eric Raymond,
    le théoricien du mouvement open source, John Perry Barlow, le cofondateur
    de l’Electronic Frontier Foundation, Kevin Kelly, l’ancien éditeur de
    Wired, le financier Peter Thiel, l’entrepreneur Elon Musk, Julian
    Assange, le cofondateur de Google Sergey Brin et les membres du Front de
    libération de la technologie...

    L’auteur balance donc plein de noms, auxquels il semble vouloir faire
    dire que chacun considère que l’informatique va décider à la place des
    Humains, de mener une politique de gauche… Qu’en matière
    d’informatique une politique de gauche se déroule naturellement, parce
    que l’informatique serait sur le plan des échanges dématérialisés, le
    nouveau marché à main invisible des échanges économiques matériels.

    Je crois pourtant qu’on pourrait faire deux groupes avec ces
    personnalités :
    - Jimmy Wales (Wikipédia) ;
    - Eric Raymond (La cathédrale et le bazar) ;
    - John Perry Barlow (EFF) ;
    - Julian Assange (WikiLeaks).

    Puis :
    - Kevin Kelly (Wired) ;
    - Peter Thiel (PayPal) ;
    - Sergey Brin (Google) ;
    - Elon Musk (PayPal).

    Les premiers me semblant plutôt de gauche et les autres de droite. Mais la
    pertinence de cette suite de noms n’en serait pas vraiment mise en
    évidence. Les uns ont contribué à mettre à disposition du monde entier
    plein de connaissances gratuitement, les autres semblent l’avoir fait
    pour s’enrichir (logique commerciale, pub, l’espionnage…).

    Interpréter leurs différents discours comme étant un : laisser les
    choses s’équilibrer sur Internet, sans interventionnisme d’état, et
    tout ira bien ; me semble être un mauvais amalgame. Les uns souhaitent
    qu’Internet reste un espace ouvert aux échanges, à la libre circulation
    de l’information, l’espace où s’applique enfin l’article 11 de la
    Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 [3] or il faut
    pour cela qu’Internet reste neutre et soit le moins régulé possible par
    les états. Les autres, souhaitant qu’Internet reste un moyen de
    collecter des données sur les gens pour les revendre ensuite au plus
    offrant. Ils ont en commun de souhaiter qu’Internet perdure comme il est
    puisqu’ils on su en tirer leur parti, et souhaitent donc qu’on
    n’affaiblisse pas le réseau par de nouvelles lois, qui seraient
    forcément des restrictions (c’est la nature d’une loi).

    Paradoxalement, depuis les révélations d’Edward Snowden sur
    l’espionnage de masse des internautes (révélations admises par la
    plupart des gouvernements et des grandes entreprises de l’Internet) on
    voit émerger une nouvelle aspiration législative [4] pour le réseau, qui
    protégerait ces utilisateurs contre les entreprises les plus rentables
    d’Internet, comme on protège les citoyens d’un pays d’eux-même en
    prononçant des peines d’inéligibilité…

    > Dans la forme la plus aigüe du cyberlibertarianisme, explique-t-il,
    l’expertise informatique est considérée comme directement applicable
    aux questions sociales. Pourtant, comme Golumbia l’explique dans son
    livre, les pratiques informatiques sont intrinsèquement hiérarchiques et
    se concrétisent par l’identification avec le pouvoir.

    J’en vois bien une, pour ma part, de forme de hiérarchie induite par
    l’informatique, et elle se résume ainsi : soit tu contrôles la
    technologie, soit c’est elle qui te contrôle. Si tu n’utilises pas de
    logiciel libre, tu es enfermé dans des conditions d’utilisation
    inacceptables [5] et tu es espionné. Pour garder le contrôle sur son
    ordinateur, on a inventé le logiciel libre, et on voit donc aujourd’hui
    qu’il faut en plus passer par du chiffrement pour ses communications [6]
    .

    La traditionnelle guerre entre le bien et le mal se déroule donc dans la
    sphère numérique comme dans le monde physique. Les Humains poursuivent
    les mêmes idées, et donc aussi les mêmes dérives. Je ne vois aucune
    distorsion apportée par Internet sur ce sujet.

    > Les hacktivistes, ceux qui promeuvent la nature libératoire de
    l’informatisation massive, semblent pourtant indifféremment de droite
    comme de gauche, comme si la technologie pouvait servir indifféremment les
    fins politiques de chacun.

    La technologie n’est pas une entité. La technologie c’est l’outil
    dont s’équipent les un et les autres pour arriver à leur fins, du
    propulseur à sagaies pour manger du bison, à l’ordinateur que vous vous
    êtes offert pour échanger des courriels, et accessoirement lire
    Wikipedia, regarder des vidéos de chatons et du porn.

    Il me semble idiot de chercher un déterminisme de valeur dans une
    technologie. Si des hommes ont tué des rivaux avec des propulseurs au lieu
    de nourrir les moins habiles et les blessés de la tribu, c’est pas la
    faute des propulseurs. Avait-on besoin de M. Golumbia pour se douter que
    les entreprises commerciales utilisant internet pour offrir leurs services
    (fussent-ils présentés comme gratuits), auraient des comportements
    capitalistes ?

    > Mais c’est mal observer combien la convergence est surtout libertaire,
    estime Golumbia. L’open source par exemple est une commercialisation
    délibérée de la notion de Logiciel libre non commercial imaginée par
    Richard Stallman.

    La séparation entre logiciel libre et logiciel open source est une
    résurgence de clivage traditionnel gauche/droite dans le monde du logiciel
    collaboratif en ligne. Toutefois, Richard Stallman n’a jamais pensé le
    logiciel libre comme étant non-commercial. Il a lui-même gagné sa vie
    des années en vendant des copies sur support physique d’un logiciel de
    son cru (emacs).

    De plus, contrairement à ce qu’estime Golumbia, ou son traducteur, la
    différence entre libre et open source tient dans la garantie (assise sur
    les lois de droit d’auteur) d’une non-restriction. Celle que le code du
    logiciel, érigé en bien commun par une licence libre, restera libre dans
    le futur [7] . Alors qu’un morceau de logiciel open source peut très
    bien être converti en projet fermé, dit privateur (de liberté) par
    Stallman, et retirer ainsi ses billes du pot commun.

    > […] le mouvement du logiciel libre et de l’open source ont été
    idéalisés et idéologisés en nous faisant croire que la collaboration
    pouvait se faire sans régulation, sans organisation autre
    qu’instrumentale, sans hiérarchies

    Toutefois, si c’est pour nous le faire croire pendant 13 ans, l’âge de
    Wikipedia, voire 31 ans, l’âge du système d’exploitation libre GNU
    (avec divers noyaux dont Alix, puis Linux) alors, relativement à l’âge
    de l’informatique elle même (environ 50 ans), c’est pas mal fiable
    comme croyance quand même.
    Et puis, "sans régulation" c’est un poil exagéré. Internet s’est
    plutôt construit de manière autogérée, s’appuyant sur des textes non
    contraignants mais reconnus et respectés par tous ceux qui voulaient
    continuer à discuter ensemble. Des exemples à suivre, modestement nommés
    Requête à Commentaires (RFC en anglais), pour définir à quoi ressemble
    un courriel (http://tools.ietf.org/html/rfc2822) par exemple, et qui ont
    aujourd’hui le prestige et l’impact que les lois n’ont plus tout à
    fait concernant Internet.

    > Or la nature libératoire de la technologie semble favoriser plutôt
    certaines formes de libertés sur d’autres, notamment les plus
    individuelles.

    On en revient à oublier qu’Internet n’est que ce que les humains ont
    pris le temps d’en faire. Quand tout va bien, les fourchettes servent à
    manger. En temps de guerre civile, elles pourraient alors favoriser le
    meurtre au corps à corps.

    > Comment le solutionnisme sape les fondements mêmes de l’engagement
    >
    > Pour Golumbia, dès que les ordinateurs sont impliqués, les gens de
    gauche - quand ils ne rejettent pas sans discussion toute approche
    technologique - semblent perdre toute raison critique... acceptant sans
    broncher "ces politiques de l’utopie numérique qui s’appuient sur un
    discours de la transformation radicale".

    En fait, j’aurais aimé que les hommes politiques de droite se fassent
    eux aussi une raison critique vis à vis d’Internet, au lieu de nous
    voter les HADOPI 1
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_Création_et_Internet#Opposition) et 2
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_relative_à_la_protection_pénale_de_la_propriété_littéraire_et_artistique_sur_internet)
    (DADVSI
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/DADVSI#Pol.C3.A9miques_au_sujet_de_la_loi_DADVSI),
    LOPPSI (https://fr.wikipedia.org/wiki/LOPPSI#Critiques)…) et autre
    horreurs comme le TAFTA
    (https://paris-luttes.info/spip.php?page=recherche&recherche=tafta) qui
    vient. Certes, ceux étiquetés de gauche nous ont voté presque autant
    d’affreusetés dès leur arrivée au pouvoir, comme la LPM (légalisant
    un quasi-Prism à la française
    (http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2013/12/10/tout-ce-que-vous-avez-toujours-voulu-savoir-sur-la-lpm-et-que-vous-avez-ete-nombreux-a-me-demander/)).

    Ma critique est donc moins clivée. Cette technologie nouvelle n’est
    globalement pas bien appréhendée par les "élites" gouvernantes, quelque
    que soit leur bord. Sinon ils n’essaieraient pas de faire passer des lois
    inapplicables et/ou contraires à la constitution. Après si on veut parler
    des intellectuels de gauche, on trouve des blogs (comme celui de Philippe
    Aigrain (http://paigrain.debatpublic.net/)), qui ne perdent pas toute
    raison critique et proposent un cadre législatif de gauche pour Internet
    et notre usage actuel du réseau (majoritairement, en volume :
    s’échanger des films et des musiques).

    > Pour les cyberlibertariens,

    Donc on n’a pas pu définir qui ils sont, mais on va leur faire dire des
    trucs quand même.

    > le monde politique est si radicalement transformé par la technologie
    numérique que les anciennes règles ne s’appliquent plus et qu’il faut
    donc trouver de nouvelles normes éthiques et politiques.

    Je suis donc au moins d’accord avec le billet sur une chose, et ça
    m’inquiète subitement, serai-je un cyberliber-truc ? Est-ce que la
    technologie a sapé mon engagement ? Ah non, c’est bon.

    Cette technologie m’a au contraire menée à d’autres personnes, qui
    ont aiguisé mes convictions et ont partagé avec moi leurs modes
    d’action. De GUL
    (https://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_d%27utilisateurs_Linux) en GUL, le
    long de mes études, j’en suis devenu vice-président du Groupe des
    Utilisateurs de GNU/Linux de Paris, Parinux (https://www.parinux.org/). De
    DADVSI en HADOPI, j’en suis arrivé à croiser les amis de la Quadrature
    du Net sur les bancs réservés au public à l’assemblée nationale et
    poursuivre la collaboration depuis tout en agissant concrètement en
    devenant (après des années d’adhésion simple) trésorier d’un
    fournisseur d’accès à internet, libre et associatif (FDN.fr
    (http://www.fdn.fr)) et du Fond de Défense de la Neutralité du Net (FDN2
    (http://www.fdn2.org)).

    > Tant et si bien que les cyberlibertariens semblent désormais partout,
    même s’ils revendiquent rarement ce titre.

    Ce qui n’aide pas à définir le terme…

    > Pour la journaliste Jessica Roy, "le narcissisme se fait passer pour du
    futurisme éclairé" s’énerve-t-elle en dénonçant la méritocratie
    sexiste, raciste et de classe des développeurs de la Silicon Valley.

    La réalité de terrain des penseurs de gauche locaux n’est sûrement pas
    belle à voir, mais parler "des développeurs de la Silicon Valley",
    c’est déjà les réduire à un seul ensemble. C’est aussi amalgamer
    des concepts (les développeurs sont des employés techniciens, pas des
    philosophes), et c’est faire plus largement, le constat de notre
    société occidentale : sexiste et raciste. Les dernières élections
    parlent d’elles-même à ce sujet.

    > Or, l’idée que le "code sauvera le monde"

    Et elle sort d’où cette idée saugrenue ?

    > rend toutes les autres formes d’engagement politique inutiles, voire
    indésirables.

    Je comprends en effet que de se dire : ça va se faire sans moi ; n’aide
    pas à l’engagement politique. La problématique du passager clandestin
    est vieille comme la société.

    > "Les cyberlibertariens se concentrent sur la promotion d’outils,
    d’objets, de logiciels et de politiques dont le principal attribut est
    d’échapper à la réglementation et à l’application de la loi par
    l’Etat. Ils dépeignent systématiquement le gouvernement comme
    l’ennemi de la démocratie plutôt que sa réalisation potentielle.

    Qui fait ça ? Pas les patrons cités précédemment. Vous ? Moi ? Quelques
    bidouilleurs pour montrer que c’est possible, seuls dans leur savoir de
    pointe ? Parfois, d’un coup, les révoltés de tout un pays quand débute
    une révolution ? Mais alors oui, ils ne voient plus leur régime politique
    comme la réalisation potentielle d’une démocratie.

    Et puis, la démocratie un mauvais système, certains disent « le pire à
    l’exception des autres connus ». Alors afficher la démocratie comme un
    idéal, quand on voit comment elle se pratique chez nous, c’est faire
    preuve au mieux de conformisme, au pire de complicité. La démocratie,
    c’est le moyen d’exclure l’avis de 49,9% des gouvernés.

    > En général, ils refusent d’interpréter le pouvoir des entreprises
    sur le même niveau que le pouvoir gouvernemental

    J’ai dit plus haut ma tristesse de voir le pouvoir gouvernemental baisser
    son froc face aux puissances économiques. Ouf, ça ne parle finalement pas
    de moi cet article.

    > et suggèrent le plus souvent que des sociétés comme Google ou Facebook
    ne devraient dépendre d’aucun contrôle gouvernemental."

    On est donc entrain d’examiner une forme d’ultra-libéralisme, pour
    trouver une raison à "l’échec" de "la gauche", on est bien content
    d’avoir lu jusqu’ici.

    > En fait, explique-t-il, quand les libertariens parlent de liberté, ils
    l’utilisent dans une acception différente de celle que nous présumons :

    Je n’arrive décidément pas à me résigner à faire "nous" avec cet
    auteur…

    > Et Golumbia de s’en prendre longuement à l’Electronic Frontier
    Foundation, souvent marquée à gauche, alors que, comme le soulignait un
    rapport de l’Electronic Privacy Information Center, l’EFF est avant
    tout l’une des organisations de lobbying de Google et d’autres
    entreprises des technologies (une accusation que l’EFF rejette).

    L’EFF (https://eff.org/) se positionne comme un interlocuteur permanent
    du gouvernement américain, proposant, à chaque question, la réponse la
    moins pire. C’est une stratégie d’occupation du terrain qui peut se
    défendre, mais qui les amène, suivant le contexte des questions posées,
    à prendre des positions relativement contre-productives sur le long terme.
    Toutefois je n’irai pas jusqu’à nier l’intégrité de
    l’organisation, financièrement indépendante et foncièrement militante.

    > La liberté de l’internet sonne bien souvent comme une valeur de
    gauche, alors qu’elle ne l’est pas tant que cela dans les faits, note
    Michael Gurstein du Centre pour la recherche informatique communautaire qui
    remarque que la Coalition pour la liberté de l’internet (Internet
    Freedom) est surtout une couverture pour s’assurer que la gouvernance de
    l’internet ne nuise pas à la stratégie américaine globale.

    Là pour le coup je vois une critique acceptable de ce qui a fait
    l’essentiel de mon militantisme depuis 5 ans.

    Internet est contrôlé selon certains aspects par les États-Unis. Avec
    FDN, on arrive au meilleur niveau de contrôle que je connaisse de son
    accès à Internet mais on constate alors que les noms de domaine, par
    exemple, sont contrôlés en dernier ressorts par les États-Unis. Dans mon
    milieu militant, on considère ça comme un problème, devenu grave avec
    l’affaire WikiLeaks (où l’instance américaine qui contrôle les noms
    de domaine en dernier ressort a usé de ses pouvoir pour tenter de faire
    disparaître wikileaks.org). On constate qu’ils n’y sont pas parvenu,
    et qu’il faut qu’on trouve un meilleur système pour la gestion des
    noms de domaine.

    La Chine ment au reste du monde pour contrôler son morceau géographique
    d’Internet. Ils ne proposent pas d’alternative, mais juste une
    surcouche à la dictature en place.

    Le Brésil vient, depuis Snowden, d’entamer des démarches pour diminuer
    sa dépendance vis à vis des États-Unis, et proposera peut-être un
    système décentralisé (enfin) pour la gestion des noms de domaines. Si la
    "coalition pour la liberté de l’Internet" est bien celle dont je fais
    partie, c’est par omission, par faute de mieux, qu’on avance avec les
    déséquilibres du système actuel. Et je suis fier de faire partie de ceux
    qui ont aidé à contrer l’action de l’instance américaine en question
    contre le site web wikileaks.org, y faisant clairement échec par la
    multiplication des copies miroirs du site, hébergées un peu partout sur
    tous les continents, en faisant le site le plus redondé du monde.

    > Le Cyberlibertarianisme se retrouve même dans des projets louables,
    comme Code for America, cette organisation "non partisane et non politique"
    comme la présente Wikipédia […] des citoyens privés révisent le
    fonctionnement gouvernemental en dehors de structures démocratiques

    On retourne ici à mon constat de départ sur l’état de nos
    démocraties, Internet semble juste étranger au phénomène. Les riches
    écrivent des lois pour leurs intérêts propres sous n’importe quel
    prétexte. Ce n’est pas nouveau.

    > Pas de politique numérique de gauche sans stratégie sur les finalités

    > […]
    > "Les ordinateurs peuvent être utiles à la gauche, bien sûr", conclut
    Golumbia.

    Oui, il suffirait d’écouter les penseurs de gauche qui proposent leurs
    visions sur la question.

    > "Mais les buts de gauche ne peuvent être servis sans articuler
    clairement ce que sont ces objectifs et comment ils doivent être atteints

    Je résume donc : il faut le vouloir pour faire une politique de gauche.

    > En pointant le fait que la technologie n’est pas dans les fondations de
    la gauche

    Là c’est gratuit comme affirmation. Le PCF, puisqu’on a commencé avec
    lui, est pro-nucléaire. Ça me semble même mettre un peu trop de
    technologie dans les fondation de la gauche pour le coup…

    Toutefois, concernant Internet et en tentant de ne pas aller jusqu’à du
    cyber-libertarianisme, il me semble que le réseau permet l’incarnation
    Toutefois, concernant Internet et en tentant de ne pas aller jusqu’à du
    cyber-libertarianisme, il me semble que le réseau permet l’incarnation
    de certains concepts de gauche jusque là restés utopiques. Ainsi,
    lorsqu’il s’agit de développer des logiciels, rédiger une
    encyclopédie ou enregistrer des vidéos, c’est grâce au réseau des
    réseaux que ceux qui savent peuvent produire selon leurs moyens, et mettre
    ensuite leur travail à dispositions de tous, qui en profitent alors selon
    leurs besoins.

    C’est aussi grâce à Internet qu’il y a enfin suffisamment d’espace
    pour que chacun puisse s’exprimer, et permettre un fonctionnement
    égalitaire où il n’est plus justifié que quelqu’un parle au nom des
    autres pour de basses considérations matérielles.

    C’est peut être d’ailleurs cette dimension nouvelle que les penseurs
    de gauche, devenus éminents (dans leurs analyses) entre autre par leur
    compréhension des limites physiques habituelles du monde, n’ont pas su
    explorer.

    > L’impensé technologique de la gauche ne s’est-il finalement pas
    retourné contre elle ?

    Si sûrement. Et peut être en effet plus pour la gauche que pour la
    droite, qui voit perpétuellement dans la technologie un moyen
    d’économiser des emplois.

    Toutefois, l’impensé technologique de la classe politique s’est aussi
    globalement retourné contre elle, favorisant l’émergence d’une
    conscience populaire. Et chaque attaque contre le réseau politise de
    nouvelles générations d’internautes qui voulaient juste jouer en ligne,
    ou regarder des vidéos de chatons. Chaque attaque contre le réseau, et
    donc contre les gens qui sont au bout, réveille et révolte plus de gens,
    et la pensée de gauche, abandonnée par le pouvoir politique en place (au
    moins chez nous), est donc peut être seulement en train de se déplacer.

    **P.-S.**
    - La tribune
    (http://internetactu.blog.lemonde.fr/2014/05/16/le-probleme-de-la-gauche-avec-internet/)
    à l’origine de cette relecture ;
    - Une autre critique par @rretSurImages
    (http://www.arretsurimages.net/articles/2014-05-19/Internet-est-il-devenu-de-droite-id6783).

    Crédit photo Fidelis
    (https://secure.flickr.com/photos/vulpesfidelis/6615731019/in/photostream/).

    [1] On pourra voir à ce sujet les conférences de Benjamin Bayart, par
    exemple la vidéo « Internet et ses enjeux » :
    http://www.fdn.fr/Internet-et-ses-enjeux.html ou encore ma petite
    intervention au MakerFaire de Saint Malo en 2013 retraçant les menaces qui
    pèsent sur Internet, et donc la liste de tous ceux qui sont dérangés par
    son arrivée : https://twitter.com/Siltaar/status/396233254065283072

    [2] L’accord commercial anti-contrefaçon, qui, contrairement à ce
    qu’indiquait son nom, n’était pas un accord commercial, mais une
    tentative d’instaurer un nouveau cadre juridique supra-national pour
    lutter contre une « contrefaçon » qui englobe brevets, du droit
    d’auteur, du droit des marques, médicaments génériques, ainsi que les
    infractions au droit d’auteur sur Internet

    [3] Déclaration universelle des droits de l’homme de 1789 :
    http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/dudh/1789.asp

    [4] On le constate notamment avec l’adoption par le parlement européen
    d’une réglementation autour de la protection des données personnelles
    et donc de la vie privée : http://www.controle-tes-donnees.net/

    [5] Heureusement, tu ne les lis pas. Et heureusement, certains le font pour
    toi : http://tosdr.org/

    [6] https://café-vie-privée.fr/

    [7] Richard Stallman définit 4 libertés pour un logiciel : celle
    d’utiliser le logiciel pour quelque usage que ce soit ; d’en étudier
    le fonctionnement ; d’en redistribuer des copies ; et d’améliorer le
    logiciel (et donc de diffuser vos améliorations au public). Plus
    d’information sur : http://www.april.org/fr/articles/intro

  • korneflakes 20 mai 2014 à 10:26
    Libertarien et anarchiste sont synonymes et il y a plusieurs courants différents, le libertarisme à la sauce américaine étant l'un d'eux (c'est un peu une nostalgie d'un far west idéalisé). Essayer de trier les courants anarchistes sur une ligne droite/gauche est une entreprise vouée à l'échec.
    Comme l'a précisé un asinaute, internet n'est ni de droite, ni de gauche, c'est la somme de ce que chacun en fait. Internet est donc naturellement libertarien/anarchiste.
    Ce brave homme et ses théories fumeuses m'a d'ailleurs l'air de vouloir "civiliser" internet à sa sauce, ce qui rappelle des choses.

  • Oblivion 19 mai 2014 à 23:28
    Je trouve cet observatoire trop concis. Je ne comprends pas les nombreux raccourcis de pensées.

  • Yanne 19 mai 2014 à 22:55
    La liberté du loup dans la bergerie.

  • constant gardener 19 mai 2014 à 22:47
    Essayez le même article en remplaçant "internet" par "imprimerie". Vous verrez, çà fonctionne aussi bien.

  • Bernard 19 mai 2014 à 20:49
    C'est fou ce que les internautes ressemblent aux humains. Pas plus réfléchis, pas moins réfléchis, pas plus cons, pas moins cons...Enfin bref, tout pareil...il peut y avoir une différence...c'est que dans la vraie vie le nombre de spectateurs pour un individu (réfléchi ou con) est souvent moins important!

  • Erwan 19 mai 2014 à 20:31
    Les exemples tirés de 14h42 ne sont franchement pas pertinents : d'abord, en quoi ces invités sont-ils représentatifs de l'Internet en général ? (à supposer d'ailleurs que celui-ci puisse être réduit à des représentants). Et, à tout hasard, leurs paroles n'auraient-elles pas plus à voir avec leur rôle de patron qu'avec leur activité numérique ? Enfin quel rapport ont-ils avec le libertarianisme, courant de pensée typiquement US ?

    Au passage, la phrase qui se termine par "au profit d'un algorithme" n'a pas de sens, ou alors il faut m'expliquer en quoi un algorithme peut "profiter" de quoi que ce soit.

  • Julie Le Mest 19 mai 2014 à 20:30
    A mon sens, cette analyse commet plusieurs erreurs :
    - D'abord, de considérer Internet et ses différents tenants comme un tout idéologique, alors que des idées et idéologies diverses ont cours sur Internet et la révolution numérique en général.
    - Ensuite, de ne pas expliciter ce qu'on entend par "droite" et "gauche". Désolée, le libertarianisme et le bonapartisme, c'est deux pensées "de droite" mais ce n'est pas du tout pareil. Le marxisme-lénisiste, la social-démocratie et l'anarcho-syndicalisme itou pour la gauche.
    - Enfin, de citer les invités de 14h42 hors contexte pour illustrer un tropisme de "droite libertaire". Euh, et eux, ils se revendiquent de quoi ? Ce ne serait pas intéressant de leur poser la question, plutôt, et de voir comment ils concilient x et y ?

    Internet est une technique, mais qui est basée sur plusieurs utopies et les idéaux de plusieurs sphères. On y retrouve des principes de do it yourself, de coopération et des principes libertaires (les origines hackeurs). On y retrouve aussi des utopies de partage du savoir, de la recherche, de rencontre et de connexion des personnes (les origines scientifiques). Mais aussi l'idée de l'utiliser comme un outil de collecte d'information et d'espionnage (les origines militaires). Ou un formidable outil commercial, mais vu selon des optiques très différentes selon qu'on est parmi les blogueurs-entrepreneurs ou les géants type Amazon. Je n'essaie pas de faire le tour de tout, l'idée étant qu'Internet et l'idée que s'en font ceux qui l'utilisent est multi-forme.

    On est actuellement en pleine transition d'Internet, qui est en train de passer du réseau ouvert de pionniers des débuts à quelques chose d'universellement utilisé mais de beaucoup plus contrôlé. Et on voit qu'il y a des lignes de faille très claires aujourd'hui et que ce que deviendra Internet dépend des options politiques qui sont prises en ce moment.
    La ligne de faille principale, c'est sur l'ouverture ou la fermeture d'Internet. En gros : est-ce qu'on défend un modèle d'un Internet basé sur les même protocoles, le même service de base (neutralité du net) pour tous, ou est-ce qu'on encourage, au nom du "dynamisme économique", la mainmise de géants de plus en plus gros sur les services du net ? (Apple, Google, Amazon, Facebook). Est-ce qu'on réclame la mise en place d'outils ouverts (ouverts, ça veut dire que tout le monde peut en regarder le code et savoir ce que font réellement les outils), ou est-ce qu'on autorise la domination de boîtes noires, DRM, programme propriétaires et autres, lesquels peuvent faire plein de choses dont nous n'avons pas idées (comme : exploiter nos données personnelles, verrouiller des choses qui ne devraient pas l'être, etc.) ?
    Le fait de dire qu'Internet est "de droite" ou "de gauche" ne donne en rien une grille de lecture aidant à se positionner sur ces questions. Cela n'aide pas plus pour évaluer et savoir ce qu'il faut faire face à l'impact qu'a Internet sur les autres aspects de la société, économique, politique et sociale. Parce qu'avant d'être de gauche ou de droite, Internet est. Il ne disparaîtra pas parce qu'il ne plaît pas à certains. Ce qu'il faut savoir, c'est la société que l'on veut avoir, avec l'Internet que l'on veut avoir, en prenant en compte l'ensemble de ses réalités, tant celles qui nous plaisent que celles qui ne nous plaisent pas.

  • tchd 19 mai 2014 à 19:56
    Des new-yorkais jacobins ! Avec de l'humour en plus :


    1789-2014 © Jacobin magazine

  • protagoras 19 mai 2014 à 19:45
    Le Libertarianisme est la forme la plus stupide de pensée politique.

    Oui, comme à chaque fois, quant on découvre un nouveau continent les 1er à vouloir le posséder sont les personnes avides de pouvoir

  • Strumfenberg ( Aloys von ) 19 mai 2014 à 18:49
    Le comble de la sottise: " Internet n'est ni de droite ni de gauche, il est ce qu'on en fait"


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