Intégration des musulmans : le sondage et sa (discrète) critique

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

En matière de nocivité des sondages, Dieu sait qu'il y a concurrence.

Mais Le Monde et l'IFOP, en ce début d'année, ont placé la barre très haut, avec unsondage sur l'intégration des musulmans. O surprise: non, ils ne sont pas intégrés, oui, ils sont perçus comme une menace, etc. Impact immédiat. Editos radio, toquechauds, etc. Nocif, ce sondage l'était comme d'habitude par la formulation des questions. Sur la "présence" d'une "communauté musulmane" dans "notre pays", chacun de ces termes étant biaisé et induisant ses propres réponses, le site Oumma.com a parfaitement dit ce qu'on pouvait dire, je n'y reviens pas. Rien de neuf: si toi aussi, lecteur, tu souhaites fabriquer un sondage dans ton garage, et comprendre comment tronquer efficacement les questions, revois donc notre émission avec le "docteur Panel", tout y est expliqué.

Mais la particularité de ce chef d'oeuvre du Monde et de l'IFOP, c'est qu'il était, pour la première fois peut-être, plus bête que méchant. 75 % des sondés, y apprenait-on, estimaient que les musulmans étaient "mal intégrés" en France (cette proportion descendait à 68 % pour les Allemands, interrogés sur l'intégration des musulmans en Allemagne, le sondage étant franco-allemand). Que Le Monde ait pu seulement envisager de poser une question aussi dénuée de sens, qui amalgame dans une même réponse ceux qui pensent que "lémusulmans" refusent délibérément de "s'intégrer", et ceux qui pensent au contraire que la société d'accueil ne fait pas grand chose pour les intégrer, en dit long sur la capitulation de la simple réflexion, dans ce qui reste pourtant un des meilleurs journaux français. Question si stupide que même Caroline Fourest, chroniqueuse au Monde, et habituellement peu suspecte d'islamo-complaisance, l'a d'ailleurs relevé.

Le sondage ayant, comme prévu, suscité la vague de critiques qu'il devait susciter, Le Monde y revenait hier discrètement, en page intérieure, dans une tribune signée du journaliste et écrivain Maurice T. Maschino. Y revenait sans y revenir, d'ailleurs. Dans ce texte tout entier consacré à son démontage, pas une allusion n'était faite au sondage de la semaine précédente du même journal, comme si Maschino s'effarait de quelque ignominie raciste tombée de la lune. L'autocritique a ses limites. Pour 100 % des journaux français, elle représente apparemment une menace grave (c'est un sondage exclusif @si).

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