Hommes, femmes, et "non binaires" : comment définit-on le genre ?

La rédaction - - 36 commentaires

Retour sur notre émission sur le pinkwashing, dans laquelle un de nos invités a refusé l'assignation au genre masculin.

"Je ne suis pas un homme, Monsieur". Une phrase lancée par un de nos invités sur notre plateau de la semaine consacré au pinkwashing, et Twitter s'emballa. Arnaud Gauthier-Fawas, administrateur de l'Inter-LGBT, a refusé vendredi d'être qualifié d'"homme" par Daniel Schneidermann dans notre émission, s'identifiant comme "non-binaire". L'extrait, isolé s'est propagé sur Internet, sur le mode incrédule, vindicatif ou moqueur, principalement dans la fachosphère : FdeSouche, Egalité et réconciliation, Elements, ont tous repris la séquence, partagée entre autres par l'avocat et chroniqueur télé Gilles-William Goldnadel. De la profusion de réactions ironiques plus ou moins lourdes, retenons simplement celle-ci, qui donne bien le ton : "Je ne suis pas un homme, MONSIEUR : Il s'aventure beaucoup. Comment sait-il que Daniel Schneidermann n'est pas une femme ?"


Non-binaire ? Si troubler le genre est une pratique ancienne, le terme de non-binaire, ni femme ni homme, en revanche, a une histoire récente en France. "Les identifications se complexifient", note Arnaud Alessandrin, sociologue du genre à l'université de Bordeaux. Par exemple, lors de l'enquête santé LGBTI que le chercheur a menée, les répondant.e.s ont été amené.e.s à s'auto-identifier : 42 genres ont alors été recensés. "Il y a une tendance à la débinarisation de l'identité" qui "touche plutôt des jeunes", indique-t-il. 

"La catégorie de sexe ne va plus de soi"

Sur les réseaux sociaux, la thématique de la diversité des genres et des préférences sexuelles a d'abord émergé sur le biais du témoignage. "Je suis non-binaire", "je suis pansexuel", donnent de nombreux résultats. Dans les médias, la thématique émerge doucement, également sous l'angle du témoignage. Ainsi le magazine Neon réalisait en octobre 2016 une série de portraits de personnes se définissant "agenre", "non-binaire", ou encore "demi-boy". Le journal 20 minutes a également consacré un article aux personnes s'identifiant "no gender" ou encore "genderfluid". 

"La catégorie de sexe ne va plus de soi, analyse Eric Fassin, sociologue à l'Université Paris 8. De plus en plus, il apparait que le sexe est une catégorie d’Etat. C’est l’Etat qui dit "vous êtes un homme", "vous êtes une femme", "vous pouvez changer de sexe", "vous non". Ensuite, c’est l’Etat qui peut décider de créer une troisième catégorie, ou pas. Quand les gens disent "je suis non-binaire", ils disent "je ne reconnais pas à l’Etat le droit de me définir, ni à la société : c'est à moi de me définir -ou pas !"".

"pas de vérité scientifique"

Le genre est-il donc déterminé par l'autodéfinition, ou le ressenti ? Ou au contraire est-il contraint par un rapport social hiérarchique ? Pour Arnaud Alessandrin, il faut distinguer l'expérience du genre (le ressenti), l'identité de genre (la façon dont on se définit), et l'expression de genre (la façon dont on est perçu.e socialement) qui est, elle, beaucoup plus limitée. "Entre l'expérience sociale et l'expérience intime, il y a des marges de liberté qui disparaissent", souligne-t-il. Autrement dit, tout un chacun.e est généralement perçu.e et considéré.e socialement comme homme, ou comme femme. 

Ces définitions font l'objet de débats au sein des mouvements féministes et LGBT. Sur des blogs militants, les controverses autour de la question sont visibles. La non-binarité masquerait les rapports hiérarchiques pour certains, permettrait de mieux se définir pour d'autres. Qu'une personne d'apparence masculine et blanche se définisse comme "non-binaire",  ne fera pas pour autant d'elle une proie de harcèlement de rue, ou une cible de contrôle policier au faciès. Partant, peut-on décider, en  fonction de son ressenti, de nier les privilèges d'apparence dont on bénéficie ?

La définition du genre peut être objet de tension. "Ce sont des questions qui peuvent se poser par exemple en situation de non-mixité, explique Eric Fassin. Les groupes de femmes se posent parfois la question "est-ce que les femmes trans ont leur place parmi nous ?". [...] Il y a des batailles autour de ça." Est-il possible de trancher ? "Il n'y a pas une vérité scientifique qui serait au-dessus des débats politique", répond Eric Fassin.

0 femme : le "billet de rage" d'alice coffin

La journaliste et co-fondatrice de l'association des journalistes LGBT Alice Coffin s'est offusquée dimanche sur son blog de l'absence de femmes sur notre plateau. "Une mauvaise pratique du journalisme" pour la militante qui ajoute "je connais des dizaines de lesbiennes, de femmes, qui auraient été brillantes autour de cette table" et appelle les hommes "à laisser leur place". "Il est vrai que cette image est accablante", répond Daniel Schneidermann sur Twitter. Et de préciser : "si nous ne vous avons pas appelée cette fois, alors que nous vous avons plusieurs fois invitée, c'est parce que nous avons constitué le plateau autour du thème choisi : le pinkwashing, qui n'est pas votre sujet d'expression prioritaire. Ca n'excuse rien, ça explique."

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