Hollande-Valls, ou le parler-double
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesAlerte ! crient les JT. Hollande et Valls sont en désaccord sur la réforme de l'indemnisation du chômage.
Alors que Valls, à Londres, voudrait en réduire le montant ou la durée, Hollande, à Milan, s'y oppose. Alleluia ! Voici venir une nouvelle saison de l'un des feuilletons préférés des journalistes politiques : le divorce entre le président et le Premier ministre. Ah, les immortels épisodes du divorce Pompidou-Chaban, quand Chaban poussait une "nouvelle société" dont Pompidou ne voulait pas entendre parler ! Ah, les doux pétages de plombs entre Giscard et Chirac, quand le premier avait invité second à diner avec son moniteur de ski ! Ah, les belles heures de la guerre Mitterrand-Rocard ! A nous les livres de coulisses, les chroniques ourlées de petites phrases meurtrières ! Les affaires repartent.
A lire de près les déclarations de l'un et de l'autre, les deux apparaissent pourtant d'accord, pour estimer qu'on pourrait certes réduire l'indemnisation du chômage, mais pas tout de suite. Ou alors (autre lecture) pour affirmer fortement qu'il n'est pas question de changer le système actuel, mais qu'il n'est pas interdit d'y réfléchir. C'est toujours le même double jeu, qu'on ne se lasse pas d'explorer ici : "amadouer Bruxelles", comme dit la manchette du Monde, tout en n'effarouchant pas trop ce qui reste des syndicats français, avec lesquels il importe de maintenir "le dialogue social".
Double langage ? Pas exactement. Le double langage consisterait à tenir deux langages différents, à deux interlocuteurs distincts (pour schématiser, Merkel et la CFDT), mais chacun tenu à l'insu de l'autre, les deux interlocuteurs distincts n'étant pas censés communiquer entre eux. Autre cas de figure : si Valls tenait distinctement un discours différent de celui de Hollande, celà pourrait aussi s'appeler du double langage. Mais le cas est ici différent : la mondialisation de l'information ne laissant pas d'autre choix, chacun des deux locuteurs parle en même temps aux deux auditoires. Avantage : les cris d'orfraie de chacun des deux interlocuteurs devant la partie du discours adressée à l'autre (les protestations de la CFDT devant le "cassage de tabous", l'exaspération de Merkel-Juncker devant les "atermoiements" de la France) sont censés crédibiliser le message auprès de son auditoire recherché (vous suivez ?) L'ensemble du dispositif rend le discours du pouvoir globalement inintelligible, mais après tout, si ça fonctionne.... On pourrait appeler cela le parler-double, idiôme que l'on va maintenant pratiquer avec l'ami Moscovici. Avantage : il le pratique lui-même parfaitement.