Hollande : l'hallali ne fait pas le détail
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesPur plaisir du rebrousse-poil, on va faire un peu de pro-hollandisme primaire.
Que l'appareil médiatique soit dopé aux sondages, on le sait depuis longtemps, on l'a maintes fois répété ici, et cela se vérifie une fois de plus. Depuis que Hollande a crevé tous les planchers de l'impopularité, dans un sondage publié la semaine dernière, l'assassinat en meute est lancé. Pour beaucoup de bonnes raisons, à commencer par la faute originelle de la soumission à l'Allemagne, qui emporte toutes les autres (soumission sans répit, qui devrait par exemple contraindre Sapin cette semaine à se contredire à propos de la réduction des dépenses publiques).
Mais l'hallali ne fait pas le détail. Toute péripétie politique est donc lue négativement. Une lecture positive de l'affaire Thévenoud est pourtant parfaitement possible. La vérité, c'est que le député atteint de "phobie administrative", rétif au paiement de ses impôts (et aussi de ses loyers et, sous réserve de confirmation, de ses PV) a été démasqué en quelques jours, sitôt nommé ministre, par la nouvelle Haute Autorité de la Transparence de la Vie Publique mise en place après l'affaire Cahuzac, et exfiltré en quelques heures du gouvernement. De son mandat de député, il n'existe aucun moyen de le démettre contre son gré, heureusement pour l'indépendance du Parlement. On ne peut compter que sur la pression conjuguée de la presse, des électeurs et des collègues, et à cette heure matinale, rien ne dit qu'elle ne fonctionnera pas. Certes, le dispositif, concédé par le pouvoir sous la contrainte de l'événement, est encore trop limité, trop timide, et il a suffi, au début de l'été, de quelques députés gribouilleurs, pour montrer à quel point la partie n'était pas gagnée. Mais il a fonctionné.
A propos de l'impôt sur le revenu (et des quelques contribuables qui, épargnés par la phobie administrative, pensent à le payer à l'heure), Le Mondetitrait en début de semaine sur "les classes moyennes étranglées". Avec force exemples à l'appui, de couples gagnant correctement leur vie, et qui ont vu leur impôt sur le revenu augmenter. Et le magazine Capital nous montrait dimanche soir quelques uns de ces exemples. Mais en même temps, 4,2 millions de foyers à très faibles revenus sont aussi "sortis de l'impôt", comme le reconnaissait Le Monde lui-même, dans un autre article. "Finalement, on découvre que le nombre de foyers qui ont vu leurs impôts augmenter cette année a baissé : ils sont 37% contre 44% l’an passé. À l’inverse, précise le quotidien, "35 % ont vu leur impôt baisser, contre 24,5 % en 2013. Au total, 8 % des foyers fiscaux imposables en 2013 ne le sont plus en 2014, tandis que 4 % des foyers non imposés en 2013 le sont devenus". Mais sur ce chiffre-là, ni Le Monde, ni personne, n'a encore fait un gros titre.