Hippodrome : un rapport favorable, mais Woerth toujours "menacé"
Dan Israel - - 0 commentaires
Eric Woerth "hors de cause" dans l'affaire de la vente de l'hippodrome de Compiègne ? C'est ce qu'affirme un rapport d'expertise commandé par l'actuel ministre du budget Jérôme Cahuzac, et révélé aujourd'hui par Le Monde. Mais l'ex-ministre est toujours menacé par la Cour de justice de la République.
Dans la foulée de l'affaire Bettencourt, Le Canard enchaîné a accusé en avril 2010 l'ex-ministre d'avoir bradé l'hippodrome de Compiègne, en le faisant vendre par l'Etat à un prix très mince à l'un de ses proches (Marianne a publié ses révélations sur le même sujet en même temps). Saisie par sept députés socialistes, la Cour de justice de la République, seule habilitée à juger un ministre pour une activité effectuée dans le cadre de ses fonctions, doit encore décider si elle poursuivra Woerth, pour le moment placé sous le statut de témoin assisté. |
Selon Le Monde, le rapport, rendu au ministère le 12 juillet, serait une "première bonne nouvelle pour Eric Woerth". Il a été commandé à Philippe Terneyre, prof de droit public à l'université de Pau, suite à la demande d'un syndicat de salariés du public, qui souhaitaient faire annuler la vente de l'hippodrome. Le syndicat "estimait notamment que Bercy avait contourné la loi et écarté le ministère de l'agriculture afin de réaliser au plus vite cette vente, sans mise en concurrence", rappelle Le Monde. Il se serait agi de satisfaire le sénateur de l'Oise et maire de Compiègne Philippe Marini, ainsi qu'Antoine Gilibert, alors président de la société gérant l'hippodrome de Compiègne (où la femme de Woerth détenait une écurie), et donateur de l'UMP, dont Eric Woerth a longtemps été le trésorier.
Un des nœuds de l'affaire repose sur une question : la vente pouvait-elle se faire de gré à gré, ou nécessitait-elle une loi et une mise en concurrence, obligatoire quand l'Etat vend des forêts lui appartenant ? Le ministère de l'Agriculture et l'Office national des forêts ont toujours affirmé que la seconde option était incontournable. L'expertise conclut au contraire que "la vente pouvait être réalisée de gré à gré" et que l'Etat aurait du mal à la faire annuler devant un tribunal administratif. De plus, écrit l'expert, l'acheteur pourrait alors demander des dommages et intérêts. Des éléments qui ont poussé Cahuzac à indiquer au syndicat que "l'analyse du professeur Terneyre laisse peu de place à ce stade à une remise en cause de la cession" de l'hippodrome.
Lemonde.fr modifie son titre
Cela suffit-il à dire que Woerth est "hors de cause", comme le fait Le Monde dans son édition papier ? Voire qu'il est "blanchi", comme l'indiquait une première version du titre de l'article en ligne ? Les mots apparaissent encore dans l'url sur le site... et dans la mémoire "cache" de Google. Depuis, le titre a été modifié, et est devenu : "Un rapport favorable à Eric Woerth". Mais un observateur vigilant a eu le temps de s'agacer de ce choix de mots : il s'agit de Michel Deléan, journaliste à Mediapart, qui a estimé sur Twitter que le premier titre du Monde était "faux" et que "Eric Woerth n'est pas blanchi". |
Deléan a ensuite publié un article sur son site (accès payant) pour détailler les choses, estimant que Cahuzac venait juste "d’appliquer un peu de baume sur les plaies d‘Eric Woerth, son prédécesseur à ce poste de 2007 à 2010" et rappelant que l'expert juridique n'avait pas eu accès aux informations dont dispose la CJR, qui a publié un rapport sur la question en janvier. La Cour concluait que l'hippodrome, cédé 2,5 millions d'euros, aurait pu être vendu 8,3 millions, et que le soupçon de favoritisme ne pouvait pas être écarté.
Ces éléments sont en fait aussi présents dans l'article du Monde, qui écrit justement que "l'étude juridique de M. Terneyre n'aborde pas, bien évidemment, les aspects politiques du dossier", et rappelle que même s'il estime qu'en vendant les terrains à 2,5 millions, l'Etat n'a pas fait une "mauvaise affaire", il assure qu'"une nouvelle expertise indépendante" serait nécessaire pour en savoir plus quant au prix de vente. Le Monde précise par ailleurs bien, dans un second article, que Woerth reste toujours "sous la menace" de la CJR et que le récent rapport, même "favorable" à l'ex-ministre "ne dissipe pas pour autant la menace judiciaire qui plane" sur lui.
Mise à jour - 25 juillet : suppression des dernières phrases sur les relations entre les deux rédactions, une des parties ayant assuré qu'il n'y avait aucune tension entre les journalistes signataires des papiers.