Hatufim : mais non, ce n'est pas de l'hébreu !

Alain Korkos - - Fictions - 0 commentaires



Sur le site de Telerama.fr, Pierre Langlais analyse le générique de la série Hatufim dont les deux premiers épisodes seront diffusés sur Arte, ce jeudi 9 mai à 20h50. On ne chôme pas chez Arte en ce moment, après la première saison de 100% humain (dont il fut question par là), voici une autre série qui promet d'être haletante. Hatufim raconte l'histoire de trois soldats israéliens capturés au Liban, où ils resteront emprisonnés pendant dix-sept ans. Deux d'entre eux, Nimrod et Uri, seront enfin libérés, retourneront au pays natal, le troisième ne survivra pas.


Chez eux ils ne reconnaîtront rien ni personne : les enfants auront grandi, la fiancée aura fini par épouser le frère, plus rien ne ressemblera à ce qu'ils avaient connu. Ils seront totalement perdus, et leur réadaptation à la vie ordinaire sera le premier des enjeux de l'histoire.


Le second sera la méfiance des autorités qui les soupçonneront d'être de possibles terroristes passés à l'ennemi.


Cette série, créée par Gideon Raff, fut diffusée en 2010 en Israël. La série Homeland, créée par Howard Gordon en 2011 avec la collaboration de Gideon Raff, est une adaptation très libre de Hatufim. Générique :


Dans son article, Pierre Langlais (auteur d'une belle analyse du générique de Dexter à laquelle j'avais apporté ma petite pierre par là), évoque notamment "un ballet d’ombres et de lumière, presque en noir et blanc, qui exprime l’angoisse, l’enfermement et la liberté au bout du couloir, mais qui laisse planer le doute, et reste flou" ; et aussi un profil qui "ressemble à celui de Uri, ombre striée, comme à travers un store… ou des barreaux."

Barreaux, fenêtres, silhouettes…


…bandes de stores noires sur fond éclairé…


…ombre d'une possible verrière, escalier dont les contremarches dessinent également de larges barreaux noirs, bandes obscures tombant du plafond…


… autant de signes graphiques de l'enfermement qui se dissoudront dans la lumière finale, avant l'apparition du titre de la série. À son propos, Pierre Langlais se pose la question suivante : "Pourquoi une des lettres de Hatufim (en hébreux) [sic] s’enfonce-t-elle comme un passage secret?"


Tentons une explication en faisant d'abord un léger détour par la traduction du mot hatufim. Il signifie kidnappés, la syllabe finale im étant la marque du pluriel au masculin (kidnappé au singulier se dit hataf).

Le mot est composé de droite à gauche des consonnes heth-teth-vav-phe puis de im. (Les voyelles, qui ne sont pas figurées ici, peuvent se signaler par des points ou des traits inscrits sur, sous ou à l'intérieur des consonnes.)

Dans la police de caractères utilisée pour le titre de la série, la lettre teth (la deuxième en partant de la droite) ressemble fortement à la lettre heth (la première en partant de la droite) qui aurait été retournée. Il existe pourtant une différence entre les deux, c'est le petit trait horizontal en haut à droite sur le teth. Voici le même mot, écrit avec une autre police de caractères moderne :


Avec une police de caractères plus traditionnelle, la différence entre ces deux lettres est beaucoup plus visible, impossible de penser un instant qu'elles n'en font qu'une :


Dans le titre de la série Hatufim, les lettres teth et heth sont quasiment identiques, le teth retourné formant un heth. Suivant cette logique, tout s'inverse : ce qui était plein devient creux et la lettre heth s'enfonce, s'apprête à délivrer ce passage secret qui étonne Pierre Langlais :


Passage secret, oui, mais pas seulement : c'est aussi, peut-être, une lettre retournée comme on aurait retourné un agent secret qu'on aurait fait passer à l'ennemi. Car c'est là l'un des thèmes de la série, celui du possible passage de la fidélité à la trahison : pourquoi les déclarations des deux ex-prisonniers sont-elles parfois contradictoires ? Que cachent-ils ? Sont-ils devenus, après dix-sept ans d'enfermement, de tortures et de lavage de cerveau un danger pour la sécurité intérieure israélienne ?

Hatufim sera diffusé sur Arte tous les jeudis du 9 mai au 6 juin 2013 à 20h50. Et sera, bien sûr, également disponible en replet pendant une semaine sur le site de la chaîne. Pour les impatients qui trépignent, le premier épisode peut d'ores et déjà être visionné (en doublage français) sur le site du Monde.fr.

 

L'occasion rêvée de lire ma chronique intitulée Autopsie d'une valse consacrée au merveilleux film d'Ari Folman, Valse avec Bachir.

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