Hadopi : hausse (de la baisse) du piratage
Vincent Coquaz - - 0 commentairesHier, l'AFP constatait que le "visionnage pirate de film et séries" avait bondi en France en 2013. L'Hadopi de son côté se félicitait d'une "réelle baisse du téléchargement". Une divergence de chiffres ? Même pas, les deux interprétations se fondent sur une seule et même étude, contestée, de l'Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (Alpa) en partenariat avec la société TMG et le CNC.
Pour Aurélie Filippetti, la dernière étude publiée par l'Association de Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (Alpa, groupement financé par le ministère de la Culture et les majors du cinéma), "met en évidence l’importance du maintien d’une pédagogie active et déterminée autour de la lutte contre le piratage et de la valeur de la création". Reprise dans une dépêche AFP (publiée par tous les sites de presse), l'étude montrerait ainsi que "le visionnage pirate [sic] de films et séries a bondi en France en 2013".
Problème : en y regardant de plus près, l'augmentation des visites sur les "sites de piratage" est trompeuse puisqu'elle serait dûe à l'augmentation... du nombre d'internautes ! Sur la période 2009-2013, le nombre d'internautes est passé de 33,6 à 46,4 millions, soit une augmentation de 38%, quand la fréquentation des sites a progressé de 15,8% sur la même période. Ramenée au nombre d'abonnés, la fréquentation des sites pirates a donc diminué, note Numerama.
Le site reproche aussi les approximations sur les protocoles qui amènent l'Alpa à conclure que "la baisse relative de consultation sur le P2P est largement compensée par la progression du téléchargement direct et du streaming". "Le fait qu'il y ait une augmentation globale des visites sur les sites n'est d'aucune manière une indication de l'augmentation du piratage, loin s'en faut", rappelle Numerama, expliquant qu'en fonction du protocole les usages sont très différents (pas besoin de passer par un site pour le Peer to Peer par exemple). L'étude ne prend en compte ni l'augmentation du nombre total d'internautes, ni la différence d'usage entre le P2P et le streaming, regrette Numerama |
Plus amusant, la Hadopi a réagi à cette étude : elle constate...une "réelle baisse du téléchargement", notent nos partenaires de Next Inpact. "Ces chiffres de l'Alpa - comme les nôtres - illustrent une réelle baisse du téléchargement illicite" commente le secrétaire général de la Haute autorité, Éric Walter (sur le plateau de 14h42 ici). "Ils démentent clairement cette "reprise massive" dont certains ont tenté de convaincre les pouvoirs publics, ce qui clôt une fois pour toutes ce débat", estime-t-il. Et il n'hésite pas à contester, lui aussi, les méthodes utilisées pour l'étude : "On regrette de réelles zones d'ombre méthodologiques qui empêchent de mieux comprendre certaines conclusions hasardeuses."
Sur Twitter, le rédacteur en chef de Next Inpact, Marc Rees, s'étonne enfin que TMG, partenaire de l'étude, soit présenté comme un "institut" par la dépêche AFP. Il s'agit en fait de Trident Media Guard, société privée qui surveille les échanges Peer to Peer pour le compte de la Hadopi et récolte les IP des contrevenants.