Grèce, le retour

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Si Pujadas ouvre son 20 heures sur la Grèce, c'est que l'heure est grave.

Doublement grave, même. D'abord, bien sûr, la manif devant le Parlement grec, qui a un peu dégénéré. Lacrymos, coups de matraque: les images sont spectaculaires, d'autant plus spectaculaires que Pujadas nous les surligne, mais à elles seules, ne justifieraient pas l'ouverture du 20 Heures. Ce n'est pas la première manif depuis un an, pas même la première manif qui dégénère, et Pujadas, jusqu'ici, n'en faisait que des brèves. Non. Il y a pire. Bien pire. Il paraitrait, accrochez-vous à vos fauteuils, que trois banques françaises seraient éclaboussées. La vôtre, la mienne. Alerte rouge ! Les galets de fuel touchent nos côtes. Que dîtes-vous ? Que l'on savait bien que les banques françaises étaient "exposées" à la dette grecque ? Oui, bien sûr. Mais si même les agences de notation s'en aperçoivent !

Rouvrir le tiroir grec, donc. Il coince un peu, mais voilà. Notre dossier est là. Rien n'a bougé depuis un an. Se remettre les données en tête. Ce que lémédias ne vont pas manquer de vous rappeler: comment les Grecs ont menti, dissimulé, triché, comme ils sont des feignants corrompus. Et ce que l'on vous rappellera moins: comment l'Europe a fermé les yeux sur leurs tricheries et leurs mensonges, et pour cause, tous les pays trichent un peu sur leurs comptes, pour minorer leurs déficits. Ou bien, comment on les a aidés à mentir et à tricher. Et parmi ces aides au mensonge, au premier rang, la fameuse banque Goldman Sachs, dont on va reparler.


Comme l'an dernier
, les dirigeants de la zone euro sont placés devant l'alternative impossible, qui consiste, soit à re-prêter aux Grecs, soit à les aider à "rééchelonner", "restructurer", leur dette. En français: à en annuler une partie, ce qui constituerait ce qu'on appelle (ça c'est nouveau, ça vient de sortir), un "événement de crédit". Pas une faillite, terme imprononçable, pas même un défaut. Un simple "événement", ce qui nous ramène au temps où la télé officielle ne parlait pas de guerre d'Algérie, mais simplement des "événements d'Algérie".

Rien de neuf ? Ah si, il y a du neuf: le successeur désigné de Jean-Claude Trichet à la BCI, l'un des futurs "troïkistes" donc, s'appelle Mario Draghi. Il est italien. Particularité: il a travaillé pour Goldman Sachs. A-t-il, à ce titre, dans le passé, aidé les Grecs à planquer leur déficit ? La question lui a été posée par un parlementaire européen vert proche d'Eva Joly, Pascal Canfin. A en croire Canfin, Draghi n'a pas répondu clairement. Cette question n'est pourtant pas dénuée d'intérêt, Draghi étant l'un des hommes sur lesquels reposera l'avenir de l'euro (si l'euro tient jusqu'à son entrée en fonction). Mais non. A en croire la presse de ce matin, ça semble n'intéresser personne (à la notable exception de Philippe Lefébure sur France Inter, comme le rappelle pertinemment un @sinaute, màj). Patience, ça viendra. Peut-être.

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