"Grandes erreurs de l'histoire" : Le Point se raccroche aux Grecs
Sébastien Rochat - - 0 commentairesComment raccrocher à l'actualité "chaude" un dossier historique "froid" ? En parlant de la mauvaise Grèce bien sûr ! Cette semaine, en couverture du Point, ce sont "les grandes erreurs de l'Histoire", c'est-à-dire "le traité de Versailles contre l'Allemagne", "la révocation de l'édit de Nantes", "la ligne Maginot" mais aussi... "l'entrée de la Grèce dans l'euro". Avec une belle illustration : le temple du Parthénon coincé entre Louis XIV et Napoléon. Mais en page intérieure, le lecteur risque de rester sur sa faim. Quand Napoléon a droit à une double page (tout comme Louis XVI), l'erreur historique sur la Grèce est expédiée en une demi-page. Suffisamment court pour qu'il y ait des oublis.
Cette semaine à la Une du Point, c'est de l'Histoire... ou de l'actu, on ne sait plus trop. Dans le dossier sur "les grandes erreurs de l'histoire" cohabitent notamment Napoléon, la série des Louis (VII, XIII, XIV), l'armée française (et ses trois "grands loupés" entre 1870 et 1940) mais aussi Clemenceau au moment du traité de Versailles. Avec 21 pages, autant dire que le dossier est bien fourni.
Mais dans ce dossier historique, entre une interview de l'historien Alain Corbin et un article sur le "divorce catastrophique" de Louis VII et Aliénor, on a droit également à une demi-page... sur la Grèce. Non pas celle du temps d'Aristote et de Platon, mais la Grèce d'aujourdhui, celle de Papandréou et ses amis tricheurs.
"La Grèce dans l'euro, une erreur fatale ?" s'interroge brièvement Le Point, qui a tenté tant bien que mal à raccrocher son dossier historique à un point d'actu. Pourquoi l'entrée de la Grèce est-elle une "grande erreur historique" ? Car elle pourrait entraîner la chute de la zone euro. Et l'hebdomadaire de faire le récit (historique ?) de ce qui s'est passé : "On s'est très vite aperçu que les Grecs avaient triché, explique Le Point. En 2004, une équipe d'Eurostat qui avait séjourné à Athènes découvre le pot aux roses". Au moment de leur entrée dans la zone euro, en 2001, seul "Wim Duisenberg, le Néerlandais de la BCE, émet tout juste quelques réserves. On ne découvrira que trois ans plus tard la supercherie". Ah, ces voleurs !
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Sauf que cet article très court (qui figure pourtant à la Une de l'hebdo), souffre de quelques oublis de contexte. Par exemple, comme nous vous l'avions expliqué dans notre synthèse sur la crise grecque, lorsque la Grèce a abaissé artificiellement sa dette en 2001, l'UE n'a rien dit. Or, pour l'anthropologue Paul Jorion (invité sur notre plateau en 2010), "c'était connu" des autres pays de l'UE, mais seule la presse spécialisée en avait parlé.
D'ailleurs, la Grèce n'est pas un cas isolé: le directeur du Département économie de la mondialisation à l'OFCE, Henri Sterdyniak, nous expliquait dans cette même émission que tous les Etats de la zone euro s'arrangent avec les chiffres pour atténuer leur dette. Jorion et Sterdyniak sur notre plateau |
Que ce soit l'Italie (qui "a vendu dix ans de recettes de taxes aéroportuaires ou automobiles") ou même la France qui tente de faire baisser sa dette artificiellement en demandant à ses banques de faire des chèques à l'avance en fin d'année, les comptes étant clôturés au 31 décembre. Mais comme les Grecs ont fait plus fort que tous les autres en matière de trucage de comptes, ils ont d'ores et déjà gagné une bonne place dans les grandes erreurs de l'histoire du Point.
Pour vous rafraichir la mémoire (à défaut de faire de l'histoire), relisez notre synthèse : "Crise grecque : ce qu'on oublie trop facilement".