Gauche rose et gauche verte, à ciel ouvert
Daniel Schneidermann - - 0 commentaires Voir la vidéo
Pas la peine de jouer avec les mots : le débat Royal-Cohn-Bendit, jeudi soir sur France 2, sur la taxe carbone, constitue un moment rare dans l'histoire des émissions politiques. Alors que Royal, tout au long de la première partie de l'émission, avait répondu de manière convenue aux questions, tout aussi convenues, d'Arlette Chabot, soudain l'entrée de Cohn-Bendit, qui la harcèle, la provoque, révèle une autre Royal. Incisive, combative, semblant sincèrement en empathie avec cet électorat populaire à qui on n'offre pas le choix de "rouler propre", et qui ne comprend pas qu'on lui "colle une taxe". Jusqu'au "jamais!" lancé à la tête de Cohn-Bendit, lorsqu'il lui prédit qu'elle finira par introduire elle-même cette taxe, si elle est élue. Ne ratez pas le "jamais !" |
"Surtout, Arlette, continue à te taire !" se disait-on. Laisse-les, ces deux-là, se pousser dans leurs retranchements ultimes, laisse-les combattre jusqu'à épuisement, qu'on voie enfin ce qu'ils ont vraiment dans le ventre. Car ce n'était pas seulement deux bêtes de télé, qui se déchiraient en camarades, dans les sourires et les tutoiements. C'étaient deux des trois gauches, la rose et la verte (manquait la rouge, mais Mélenchon est tricard sur France 2), celles qui débattent en beaucoup d'entre nous, qui s'affrontaient à ciel ouvert. Un tel débat par semaine, et les audiences de France 2 remontent en flèche.
Et le taux de participation ? C'est une autre question. Autrement dit : après cette émission, Royal est-elle remise en selle ? Logiquement, non. Ce n'est que de la télévision. Royal n'a toujours ni troupes ni parti, elle est toujours abandonnée par la plupart de ses alliés, et Aubry contrôle toujours théoriquement l'appareil. Ce n'est qu'un moment de télévision, voué à l'oubli rapide, tout étincelant qu'il ait été. Mais rien n'est logique, dans ces affaires-là. Tout est anticipation, comme à la Bourse. L'illusion d'une Royal remise en selle peut parfaitement amorcer une dynamique de ralliements et d'éditos favorables, et , quelques sondages aidant, remettre effectivement en selle Royal. Bref, à gauche aussi, le feuilleton commence. Pour l'instant, il offre un spectacle plus motivant que celui du camp adverse.