Frêche, et le vieux banc de Montpellier
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesAh, le visionnaire, le bâtisseur, le prophète, le géant !
Comme ils l'aiment mort, Georges Frêche, les socialistes qui l'avaient viré du parti ! Comme ils vont s'empresser de la lui construire, sa statue, entre Mao et Lénine ! Comme ils seront émus, aux obsèques, Aubry et Hollande (si on les laisse entrer). Pourtant, l'excommunication est-elle si ancienne ? C'était l'an dernier, et les échos de l'indignation médiatique résonnent encore aux oreilles du matinaute. Pas un socialiste ne pouvait se pointer au micro d'Aphatie, sans être sommé de régler, là, tout de suite, sur le champ, le problème Frêche. Frêche était la boussole qui indiquait le Mal. Convoiter les voix des fédérations du Languedoc-Roussillon valait disqualification immédiate. Repassez nous voir quand vous serez en paix avec votre conscience! De ce pot de miel, les socialistes ne se désengluèrent jamais tout à fait.
Evacuons le cas personnel. Comme le résumait, sur le plateau de Ligne j@une, notre consoeur Jacqueline Rémy, le président de la Septimanie était avant tout "un gros bébé narcissique", un intarissable raseur de banquets, sous perfusion permanente de la ferveur de son public. Mais pour ceux qui s'intéressent à la distorsion médiatique du monde, ce permanent mystère, le cas Frêche restera un cas d'école. La condamnation de la petite phrase sur "Fabius, et sa tronche pas catholique", fut un total montage en mayonnaise de L'Express, avec extorsion d'indignation, et re-titrages d'articles, comme nous le rappelions dans cette enquête minutieuse. Les deux autres chefs d'inculpation ? Les "harkis sous-hommes", laissèrent la Justice perplexe. Des "blacks dans l'équipe de France", phrase dont il n'existe pas de traces, elle ne fut pas saisie. Mais le tribunal médiatique, lui, fut implacable.
Sur le cas Frêche, l'éditorialiste le plus éloquent est peut-être...un vieux banc de Montpellier, à qui une de nos @sinautes, l'an dernier, prêtait sa voix : "je ne peux pas m'empêcher de penser qu'une partie de l'affaire nous échappe. Il faudrait être un vieux banc rouillé pour savoir ce qui se dit sur les placettes des villages, les jours où le soleil chauffe assez. Des vieux bancs rouillés j'en connais au moins un, c'est sur que ce n'est pas représentatif. Il me dit que Frêche a soutenu Royal, il me dit qu'il se marre bien quand la gazette de Montpellier publie les sorties de la semaine de Frêche, que ça ne vaut pas la grande époque de ses échanges avec Blanc, avant son attaque en pleine assemblée, et puis quand il est revenu d'entre les morts, toujours plus irascible et plus incontrôlable. Il me dit qu'à Paris on parle pointu et qu'on se plante une fois de plus. Alors, est-ce que mon vieux banc est représentatif des électeurs du coin? N'est-il pas trop vieux justement, j'en sais fichtrement rien. Simplement, c'est l'écho du vieux banc."