Fourest, contre son camp

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Il y a toutes sortes de mensonges, dans le débat public.

Le mensonge par omission est le moins décelable. Le mensonge par exagération. Le mensonge par noyade du débat sous les éléments de langage. Un citoyen, un chroniqueur medias, est sans cesse confronté au mensonge.

Le mensonge politique est si ordinaire qu'on ne le relève plus. Je ne parle même pas de phrases comme : "je ne me représenterai pas en 2007 si je n'ai pas réussi à inverser la courbe du chômage". Je pense même à des mensonges plus précis, quand Hollande assure par exemple que les nouveaux droits de trafic que la France s'apprête à accorder à Qatar Airways sont sans rapport, mais alors strictement aucun, avec l'achat de Rafale par le Qatar. Mensonge d'Etat, lié à des négociations diplomatico-commerciales internationales, c'est la règle du jeu, et de toutes manières le mensonge est ici indémontrable.

Mais le mensonge cynique, aveuglément confiant dans son impunité, le mensonge à la Cahuzac en un mot, se rencontre rarement. Parce qu'il est stupide et suicidaire -le menteur ne peut pas ignorer qu'il va être démasqué un jour- et que les intervenants dans le débat public sont en général dotés d'un QI minimum. Ce mensonge se rencontre en littérature, ou en psychiatrie. On ne l'attend pas dans la sphère journalistique, où la légitimité s'acquiert, et se conserve, par un attachement -au moins de façade- à la réalité des faits.

C'est pourquoi, après l'émission de Ruquier, et alors que Twitter se déchainait déjà contre elle, je ne voulais pas croire que Caroline Fourest mentait, en assurant qu'elle avait "gagné son procès", procès qu'elle avait perdu. Quelque chose en moi s'y refusait. Dans notre premier article, publié au cours du week-end, nous sommes donc restés prudents. On avait peut-être mal compris. Mais vérification faite, auprès de toutes les parties, oui, elle a menti. Mythomanie ? Comportement suicidaire ? Cette polémiste, invitée régulière de tous les plateaux mainstream, crédibilisée par tout le système médiatique français, et qui tient une chronique régulière sur une radio publique (France Culture), ment à la Cahuzac.

J'entends certains de vous, dans les forums, objecter : ce mensonge n'est qu'un détail. Ecoutons ses arguments de fond, sur le blasphème et la laïcité, débattons-en. Ne nous arrêtons pas à des enfantillages. Si seulement on pouvait ! Mais comment débattre avec quelqu'un qui vous ment les yeux dans les yeux ? Si le mensonge de Fourest est un problème, c'est d'ailleurs d'abord pour la cause qu'elle prétend servir, celle de la laïcité et du droit au blasphème, cause qui mérite d'être défendue dans le débat public, défendue vigoureusement, à la loyale, et qu'elle torpille.

Comtesse de Ségur, Le petit de Crac, extrait

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