Filoche, le cas pendable
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesIl existe donc, au PS, une
"haute autorité", indépendante de la direction, et chargée de trancher les cas éthiquement complexes. Elle n'a jamais connu du cas Thévenoud. Elle a failli voir arriver sur son bureau le cas Guérini, mais le dossier semble s'être perdu en route. Elle va connaître du pendable cas Gérard Filoche, auteur du tweet ci-dessous, au lendemain de la mort du PDG de Total Christophe de Margerie.
Présidée par Jean-Pierre Mignard, qui entre autres titres, est avocat de Mediapart et, parait-il, ami proche de François Hollande -ce qui suffit à témoigner de son ouverture intellectuelle- la haute autorité trouvera certainement un moyen de lui taper sur les doigts après quelques mois de réflexion, en le maintenant évidemment à la direction du PS, où il a précisément pour fonction implicite de dire ce qu'il a dit, et de tweeter ce qu'il a tweeté , c'est à dire d'exprimer outre des analyses solitaires sur le droit du travail, les colères tripales de la gauche, comme ses douleurs consubstantielles (ci-dessous, pour mémoire, ses mémorables sanglots en apprenant les aveux de Cahuzac).
Evidemment, ce tweet est non seulement odieux, s'agissant d'un mort, mais surtout stupide. Le successeur, cher Filoche, nous "volera" exactement tout autant que le défunt. Si Total paie si peu d'impôts en France, il ne le doit pas à la ruse de Arsène Margerie Lupin, mais au jeu de toute une série de dispositions fiscales, votées ou maintenues par vos amis socialistes, et l'autorisant à le faire. Le successeur en fera autant, la moustache et le whisky en moins. Avec la bénédiction de tous vos camarades du Bureau National du PS.
Mais tout au long de la journée d'hier, la violence verbale changea de camp. On aurait dit que Filoche s'était rendu coupable de trahison devant l'ennemi. Jamais le terme de "classe médiatico-politique" n'avait si bien mérité son nom. De la colère froide de Valls à la colère rentrée de Patrick Cohen, instruisant le "cas Filoche", sur le plateau de France 5, devant Laurence Dolorosa Parisot, en passant par ces "dizaines" (assure Le Monde) de députés socialistes demandant son exclusion du parti, le concert disait où sont leurs amitiés, leurs évidences, leurs points aveugles, vers où les portent leurs tropismes. Irrésisitiblement, malgré nous, cette unanimité nous ramenait dans le camp de l'odieux auteur de la fausse note, ce porteur de colères si indécentes, si inaudibles, si indicibles, si stupides, si nécessaires.