Ferguson surmédiatisée ? (Haïm / Canal+)
Robin Andraca - - 0 commentairesLaurence Haïm, correspondante à Washington de Canal+ et iTélé, ne s'est pas rendue à Ferguson, alors même que le grand jury venait de prendre la décision de ne pas poursuivre Darren Wilson, l'officier de police blanc qui a tué en août dernier Michael Brown, adolescent noir. La journaliste explique pourquoi dans une tribune publiée hier sur le site "L'important", où elle dénonce "l'hystérie médiatique".
Est ce que ça va, oui ou non péter ? C'est la question que s'est posée Laurence Haïm alors que le grand jury venait de décider de ne pas poursuivre Darren Wilson. Pour en avoir le coeur net, la correspondante de Canal+ le raconte aujourd'hui dans sa tribune, elle a même posé la question à l'Associated Press, avec qui elle travaille régulièrement. Réponse de l'agence de presse internationale : "Non ça n’a pas pété, mais ça va péter. On est en train de s’installer devant le tribunal, c’est à 10 minutes d’où ça va péter".
La journaliste décide alors de rester à New York et appelle Paris pour justifier son choix : "Moi, je ne vais pas à 10 minutes d'un endroit où ça n'a pas pété pour raconter que ça va péter, sans voir où ça va péter. Je suis beaucoup mieux à New York pour suivre ce qui va se passer dans le reste de l'Amérique, là où ça va être sérieux". Le lendemain, un reporter de CNN se prend un pavé dans la tête et ça pète enfin.
La journaliste de CNN touchée à la tête pendant les manifestations
Haïm décroche (encore) son téléphone. Cette fois, à l'autre bout du fil des producteurs américains "de confiance", précise-t-elle, avant de restituer le dialogue suivant :
- C'est vraiment la guerre à Ferguson ?
- Il y a 500 caméras, il y a 3 immeubles qui brûlent, mais comme c’est construit en papier mâché, ça fait des grosses flammes, et on est tous en direct.
- Mais combien de personnes dans la rue, combien qui manifestent contre le racisme ?
- Bah c’est un peu compliqué car il y a la famille qui était devant le tribunal en disant qu’il fallait tout casser, mais objectivement il n'y a que 50-80 personnes. Des pilleurs qui mettent le feu et fracassent des vitrines pour piquer des télés.
- Mais vous le dites ça ?
- Bah les images, c’est beau, c’est impressionnant.
Beau et impressionnant mais pas très déontologique selon Haïm qui conclut sa tribune ainsi : "Je dénonce l’hystérie médiatique sur Ferguson, je pense que c’est extrêmement dangereux. Nous sommes au début de quelque chose qui est en train d’arriver. Quand il y a plus de caméras que de manifestants, c’est la télé qui crée l’événement".
Nous n'étions pas non plus à Ferguson mais nous en avons parlé. L'occasion de relire notre papier : "Le harcèlement policier des journalistes et des internautes amplifie les émeutes de Ferguson".