Fausse agression à Aubervilliers : la difficile auto-critique du Monde

Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires

De la difficulté de l’autocritique. Dans un article qui revenait ce matin sur la fausse agression de l’instituteur en Seine-Saint-Denis, lemonde.fr évoquait l’emballement médiatique – observé ici-même – et s’incluait parmi les différents médias ayant relayé de prime abord la version du Parquet, à savoir une agression d’un instituteur sans histoires par un homme se revendiquant de Daech. Surprise : peu après la mise en ligne de l’article, la référence au monde.fr a disparu… pour finalement réapparaître vers midi.

Une agression qui n’en est pas une : comme nous le racontions hier, après avoir repris les informations de la section antiterroriste du Parquet de Paris sur l’agression d’un instituteur en Seine-Saint-Denis par un homme se revendiquant de Daech, les médias ont fait volte-face lorsque le maître d’école a avoué son mensonge. Même si les journaux et chaînes d’info continue sont restés prudents à l’annonce de cette agression, toutes n’ont pas choisi la même méthode pour leur mise à jour. Ainsi, lemonde.fr a-t-il remplacé l’article initial par un article corrigé sans informer le lecteur de cette correction.

Dans la première version – qui a été écrasée par la seconde mais que l’équipe d’@si a pu lire hier avant sa mise à jour – les faits exposés par le Parquet étaient simplement énoncés. La fin de l’article était consacrée aux menaces de mort proférées par l’Etat islamique (EI) à l’encontre des enseignants dans son magazine francophone – épluché ici – et qui avait fait l’objet d’un article sur le site du Monde le 4 décembre dernier.

Ce matin, le journaliste co-auteur de l’article d’hier, Soren Seelow, revient sur cet "attentat parfait. Celui qui, n’ayant jamais eu lieu, parvient à instiller la terreur le temps d’une journée dans un pays en état de choc". Et de raconter l’emballement médiatique avec un mea culpa puisque, écrit-il, "la grande majorité des médias, dont lemonde.fr, omettent de sourcer le récit de l’instituteur, présenté comme un déroulement objectif des faits". Pourquoi cette omission ? Réponse de Seelow : "le climat de psychose propagé par les attentats du 13 novembre et la dernière édition du magazine de propagande francophone de l’organisation Etat islamique Dar Al-Islam («demeure de l’islam»), menaçant explicitement l’école française et les enseignants, n’incitent pas à la précaution".

Le Monde tout comme les autres médias aurait donc manqué de prudence ? Cette autocritique n’a pas dû plaire : en effet, dans la matinée, le passage sur le manquement des médias – dont lemonde.fr – a été supprimé comme l’indique sur son compte Twitter le rédacteur en chef adjoint de L’Express Pierre Chausse. A la place, on pouvait lire : "entraînés par cette mobilisation des autorités, l’ensemble des médias présentent le récit de l’instituteur non comme un témoignage sujet à caution, mais comme un déroulement objectif des faits".

Le tweet de Chausse a immédiatement été partagé par Seelow. Contacté dans la foulée par @si, ce dernier ignorait pourquoi ce passage est passé à la trappe et qui en était à l’origine. D’humeur "ruminante", il assurait vouloir remettre la référence au Monde dans son papier. C’est chose faite : à midi, la version originelle était de nouveau en ligne.

Lire sur arretsurimages.net.