Facebook / France 3 : qui doit modérer les insultes racistes ?

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Un "coup de gueule" de plus La rédaction de France 3 Nord-Pas-de-Calais a décidé à son tour d'exprimer son "ras le bol". En cause : un article sur la mort d'un migrant pakistanais à Calais publié lundi sur la page Facebook de la chaîne, qui a entraîné un déversement de commentaires racistes. Se disant "choquée par l'ampleur du phénomène", la chaine a décidé à l'instar du quotidien Nord Littoral de suivre l'exemple du journal allemand Bild en publiant certains messages haineux postés par des internautes. Sur ces captures d'écrans figurent, au delà des noms d'utilisateurs, les photos de profils des commentateurs. Une manière de signaler au public que "malheureusement, ça continue". Mais aussi de critiquer la politique de modération du réseau social Facebook.

Article sur le site de France 3 Pas-de-Calais - mardi 10 mai 2016

"Honteux, inhumain et illégal"

"Youpi, un de moins", "Lol", "Je vais pleurer, enfin si ça veut bien, Lol !", "Pas grave" : face à l'afflux de commentaires haineux et racistes, France 3 Nord-Pas-de-Calais a d'abord publié un texte sur sa page Facebook : "Plusieurs dizaines de personnes ont été bannies définitivement de cette page. Se réjouir de la mort de quelqu'un est non seulement inhumain et scandaleux mais aussi illégal. Nous nous réservons le droit de porter plainte." Mais la violence répétée des commentaires incite la rédaction à publier un article pour demander directement à Facebook de "trouver, avec les médias, une solution efficace pour bannir de son réseau les personnes capables d'écrire quotidiennement, sous divers pseudonymes, des commentaires stupides et haineux."

La chaîne souligne par ailleurs dans ce billet que "de nombreux internautes s'indignent" de ces commentaires, avant d'inciter les utilisateurs du réseau social à "exprimer massivement leur dégoût". Problème, c'est exactement la ligne de défense de Facebook (mais aussi de Twitter) qui invoque régulièrement, pour justifier sa politique du laisser-faire, la nécessité de favoriser les "contre-discours" émanant des autres utilisateurs. Une sorte de modération naturelle censée préserver le débat public et favoriser "la pédagogie"

 

Site internet de France3 Pas-de-Calais - Capture d'écran mardi 10 mai 2016

Les arguments avancés par Facebook sont le signe d'"une hypocrisie", selon le directeur de Nord Littoral David Guévart, contacté par @si, qui avait interrogé dans ses colonnes le réseau social sur ses "standards". Facebook reconnaissait alors, par la voix de son service de communication, "certaines difficultés de modération" tout en ajoutant : "Bien sûr certains propos ne sont pas acceptables, mais tout est une question de nuance". Le géant américain explique également déjà pratiquer une modération à posteriori, sur la base des signalements des internautes. Insuffisant, aux yeux de Nord Littoral, qui a fait le test en signalant deux messages haineux à Facebook, lequel a répondu par message : "Nous vous remercions de nous avoir signalé ce commentaire pour apologie de la haine. Pour le moment, il n’a pas été supprimé parce que nous avons déterminé qu’il n’enfreint pas les standards de la communauté de Facebook."


Nord Littoral, daté du 9 novembre 2015

Facebook doit "trouver une solution"

Si les médias qui s'expriment sur le sujet se défendent, à l'image de France 3 Nord-Pas-de-Calais, de vouloir "censurer la colère", ils rappellent leurs difficultés à modérer en interne les échanges sur leurs pages Facebook. " Surtout quand le débat est vif et les questions sensibles, nous modérons, tentons de dialoguer avec les abonnés, de rappeler les règles... Nous bannissons aussi très souvent définitivement ceux qui dépassent les bornes. Un travail de longue haleine, quotidien et qui ne s'arrête jamais. C'est notre responsabilité de média d'empêcher tout propos contrevenant à la loi sur nos publications et nos réseaux sociaux".

Pas tout à fait vrai. Si les médias peuvent techniquement masquer ou supprimer des commentaires Facebook, ils n'en ont pas l'obligation. Selon la loi française, la responsabilité légale des contenus publiés sur Facebook revient à leurs auteurs et à l'hébergeur, c'est à dire au réseau social lui même. Les médias, eux, ont l'obligation de veiller à ce que des contenus n’enfreignent pas la loi sur leurs propres sites. Les journalistes ou community managers s'évertuent cependant généralement à modérer les commentaires sur les réseaux sociaux, avec les limites des outils proposés par Facebook : pour fermer la discussion en dessous d'un seul article, il faut par exemple nécessairement retirer la possiblité aux internautes de commenter l'ensemble des liens postés sur la page. Les médias sont donc effectivement contraints de faire une veille importante, et de procéder au "cas par cas".

L'occasion de relire notre enquête sur la politique de modération de Facebook

(par Maxime Jaglin)

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