Evasion fiscale : la lutte finale ?
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentairesEt si ça bougeait vraiment sur le front de l’évasion fiscale ? Selon les informations du Monde, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l’Australie pourraient mettre à disposition des pays qui en feront la demande les fichiers secrets de sociétés établies dans les paradis fiscaux. Parallèlement, l’Angleterre vient de lancer une vaste enquête à partir de l’exploitation de fichiers reçus… en 2009. Et, dans la foulée, les Européens appellent à la lutte collective contre l’évasion fiscale. Un appel hypocrite, selon l’agence Bloomberg.
Sale temps pour l’évasion fiscale ? En Angleterre, assurément. Ce week-end, le correspondant du Monde à Londres relatait l’ouverture d’une enquête "sur le recours par les particuliers et les entreprises à des sociétés offshore en vue de frauder le fisc. Les complices des évadés fiscaux que sont les cabinets d'avocats ou de comptables et tous les intermédiaires sont dans le collimateur des autorités britanniques". Chose étonnante, raconte le journaliste: la chronologie. Le fisc britannique - Her Majesty's Revenue & Customs (HMRC) – aurait reçu un premier lot de données sur les montages financiers impliquant une centaine de sujets de Sa Majesté dès 2009. Ce fichier de 400 gigaoctets de données est encore plus gros que celui détenu et exploité par l’équipe d’Offshore Leaks qui pèse seulement 250 gigaoctets.
Pourquoi voir attendu tout ce temps pour lancer les poursuites ? "A l'époque, le fisc britannique était désarmé face à l'évasion fiscale à grande échelle. Le gouvernement tory-libéral-démocrate aux affaires depuis mai 2010 avait mis l'administration des impôts à la diète. La tâche de recouper le cadastre, la liste des électeurs et le registre des sociétés, pour affiner le profil des fraudeurs, s'était heurtée aux lacunes de l'outil informatique. Démoralisés, mal payés, les meilleurs éléments du HMRC partaient pour le privé du côté de ceux qu'ils avaient traqués". Mais les temps ont changé. Et, pour preuve de la bonne volonté de son action contre l’évasion fiscale, "Londres vient de contraindre huit zones off shore placées sous souveraineté britannique de fournir automatiquement des informations sur les comptes bancaires aux cinq plus grands pays de l'Union européenne."
Un début de coopération internationale ? Selon les informations du Mondedaté d'aujourd'hui, les Etats-Unis et l’Australie vont se joindre au Royaume-Uni et annoncer la mise à disposition aux Etats qui en feront la demande "des fichiers secrets portant sur la création de sociétés offshore dans les paradis fiscaux, qu'ils ont obtenus et sur lesquels ils enquêtent". Toujours selon le quotidien, cette annonce devrait être faite à la fin de la semaine lors du Forum mondial des administrations fiscales qui réunit les directions générales des impôts de quarante pays. Autre échéance, dès demain : les ministres des finances de l’Union européenne doivent convaincre l’Autriche de lever son secret bancaire comme viennent de s’y engager du bout des lèvres les Luxembourgeois. Un nouveau pas dans la foulée des déclarations faites à l’issue du G7 tenu ce week-end près de Londres : maintenant, c’est sûr, on s’attaque pour de vrai à l’évasion fiscale. Comme le dit le commissaire européen en charge de la fiscalité, Algirdas Semeta, cité dans cet article, les 27 "auront la possibilité de traduire des paroles en actes et n'auront pas d'excuse s'ils ne le font pas." |
Mais des paroles aux actes, il y a un énorme pas qui est loin d’être franchi selon le site de l’agence Bloomberg qui considère ces évolutions européennes comme une simple posture. L’article dénonce les politiques fiscales avantageuses pour les grandes multinationales, politiques mises en place récemment par ces mêmes gouvernements qui aujourd’hui s’indignent contre l’évasion. Et de rappeler que le ministre britannique des finances, George Osborne, a considérablement baissé le taux de l’impôt sur les sociétés dans son pays et mis en place l’équivalent d’un système de transfert de revenus, "une incitation flagrante à l'intérieur du système fiscal britannique pour déplacer les profits dans un paradis fiscal" selon Richard Murphy, directeur de Tax Research LLP en Angleterre, cité par Bloomberg. "Les Européens disent une chose et en font une autre" estime un économiste cité lui-aussi par l'agence.
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