Etiquetage alimentaire : pressions sur les ministres (Mediapart)
Juliette Gramaglia - - 0 commentairesQuand les lobbys agroalimentaires et de la grande distribution font pression sur la ministre de la Santé... avec l'aide du ministère de l'Agriculture.
Dans un article paru le 16 septembre, Mediapart révèle que l'Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA) et la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) ont envoyé fin juin une lettre au ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll (la ministre de la Santé Marisol Touraine étant simplement en copie). Cette lettre réclame la fin des études scientifiques sur les nouveaux systèmes d'étiquetage simplifiés (qu'@si vous présentait ici). Une "censure d'un travail scientifique", dénonce Mediapart, au moment où quatre systèmes d'étiquetage vont être testés dans des supermachés à partir du 26 septembre.
Ce n'est pas la première fois que Le Foll est mêlé au processus de choix d'un nouveau système d'étiquetage nutritionnel, qui dépend pourtant du ministère de la Santé. Mediapart rappelle ainsi que le ministre de l'Agriculture "n'est jamais apparu officiellement dans le processus" de choix, mais qu'il a pourtant bien envoyé une lettre à Touraine en juillet 2015 (également disponible sur Mediapart). Le ministre de l'Agriculture y jugeait le système "5 Couleurs" (ou "5C"), proposé par le président du Programme national nutrition santé, le Professeur Serge Hercberg, "trop stigmatisant" pour les produits industriels et recommandait "d'écarter" cette proposition au profit d'autres. A l'époque, la ministre de la Santé excluait toute expérience sur le terrain... avant de changer d'avis début 2016 et de proposer une expérimentation en supermarchés.
Le 5C, "mieux compris" par les consommateurs
Quatre systèmes sont désormais dans la course pour cette évaluation, mais seulement l'un d'entre eux, le "5C", a été testé dans des études scientifiques par des chercheurs indépendants, l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionelle (l'EREN). La conclusion de ces études ? Le système "5C" est "mieux compris" par les consommateurs que les systèmes aujourd'hui utilisés en France (les "Repères Nutritionnels Journaliers") et au Royaume-Uni (les "Traffic Lights", qui seront aussi testés en supermarchés à partir du 26 septembre), rappelle Mediapart.
Cette conclusion n'a pas été du goût de l'ANIA, qui représente les industries agroalimentaires, et de la FCD (grande distribution). D'autres systèmes ont été proposés par ces dernières : le "Nutri-Repère" et le "SENS", qui doivent concurrencer le "5C". Et les lobbys, continuent activement à critiquer le "5C" (comme @si vous le racontait). Pour déterminer si le "5C" est plus efficace que ces nouvelles propositions, les chercheurs à l'origine de la première étude ont lancé au printemps 2016 une nouvelle étude comparative ("5C", "Nutri-Repère" et "SENS").
Problème : cette nouvelle étude, les présidents des deux lobbys de l'agroalimentaire et de la grande distribution n'en veulent pas non plus. Pourquoi ? Parce qu'en parallèle, la troisième évaluation doit débuter le 26 septembre : une expérience "en conditions réelles d'achat" dans des vrais supermarchés. Ce n'est pas un hasard s'ils préfèrent cette expérimentation : comme vous l'expliquait @si, les résultats de cette évaluation seront validés par un comité scientifique dont six des dix membres collaborent avec l'agroalimentaire et la grande distribution.