Espagne : la vidéo que la télévision publique a voulu censurer
Manuel Vicuña - - Silences & censures - 13 commentairesEn Espagne quand la secrétaire d'Etat à la communication est filmée en flagrant délit de dérapage verbal, la séquence est dans tous les médias... sauf à la télévision publique, ostensiblement proche du gouvernement.
La télévision publique espagnole, plus que jamais soupçonnée de rouler pour le gouvernement. Alors que depuis quelques jours ses femmes journalistes ont initié un mouvement de protestation inédit pour dénoncer un traitement biaisé de l’information, en portant des vêtements noirs à l'antenne, un nouveau cas de censure vient mettre le feu aux rédactions du groupe audiovisuel public espagnol. Ce mardi, comme le relatent la plupart des médias nationaux, la rédactrice en chef de la station RTVE à Valence, Arrantxa Torres, a annoncé sa démission. En cause, la décision de sa hiérarchie de ne pas diffuser une séquence pour le moins embarrassante pour la secrétaire d’Etat à la Communication du gouvernement conservateur de Mariano Rajoy.
"Ils nous ont censuré la vidéo"
La scène a eu lieu lundi dans la ville d’Alicante où le chef du gouvernement, en visite officielle, a été accueilli sous les huées et les sifflets d’une manifestation de retraités. Sur place ce jour-là, une journaliste de télévision locale filme l’arrivée du chef du gouvernement mais surtout capture par hasard la réaction de sa secrétaire d’Etat à la Communication… visiblement irritée par la manifestation de retraités. "Ça donne envie de leur faire un bras d'honneur et de leur crier d’aller se faire foutre" glisse à voix basse la secrétaire d’Etat dans un ricanement.
En quelques minutes, la vidéo se propage sur le Twitter, alors que les retraités se mobilisent depuis des mois pour protester contre la baisse de leur pouvoir d’achat. "Tous les médias ont relaté ce qui s’était passé, sauf la télévision publique", constatait ce lundi l’édition espagnol du Huffington Post. "Ils nous ont censuré la vidéo"dénonce pour sa part sur Twitter l’une des figures de la télévision publique espagnole, le journaliste Ricardo Pomares. Selon les informations recueillies par le site indépendant (et classé à gauche) Infolibre, la décision est venue directement de la direction centrale du groupe à Madrid.
La rédactrice en chef claque la porte
Face à cette décision, la rédactrice en chef de l’antenne régionale de la chaîne qui avait insisté auprès de sa direction pour que la séquence soit diffusée, a décidé de claquer la porte. Face à la colère des journalistes de la chaîne, la RTVE a finalement fait état de la séquence, mais uniquement dans le journal régional, et en diffusant la vidéo… mais sans le son.
Ce cas de censure et la démission retentissante de la rédactrice en chef intervient dans un contexte particulièrement critique à l’égard de la direction du groupe de télé publique. Comme Arrêt sur images vous le racontait, depuis quelques jours les journalistes de la RTVE ont lancé une campagne de protestation sur Twitter. Sous le hashtag #AsíSeManipula (littéralement "c'est comme ça qu'on manipule") ils dénoncent les dérives du groupe audiovisuel ostensiblement favorable au parti au pouvoir depuis des années.