Equateur : un référendum sur les médias passé inaperçu

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"Censure" pour l'opposition, simple "régulation" des groupes privés pour le président équatorien Raphael Correa. Le 7 mai, les électeurs équatoriens devaient se prononcer lors d'un référendum consacré notamment au contrôle des médias et de la justice. Correa a finalement emporté la partie après plus d'une semaine de dépouillement. Cette initiative de Correa est révélatrice des réformes en cours dans plusieurs pays d'Amérique Latine, notamment autour de la position des grands groupes médiatiques du continent. Mais les médias français n'en ont quasiment pas parlé.

Le référendum du samedi 7 mai en Equateur posait 10 questions individuelles aux 11 millions de citoyens de ce petit pays d'Amérique Latine.

Lundi 16 mai, 93% des bulletins avaient été dépouillés. Le "oui" s'est imposé pour chaque question du référendum avec plusieurs points d'écart. Les équatoriens ont donc accepté les 3 points les plus critiqués. Deux d'entre eux concernaient les médias : la séparation entre pouvoirs médiatique et financier et l'instauration d'un - très discuté - "conseil de régulation" des médias. L'autre point rejeté proposait une réforme de la justice. Les autres points sont disponibles ici en espagnol.

Le président Correa avait d'abord annoncé sa victoire un peu trop rapidement. Selon l'Humanité du samedi 9 mai, les "électeurs ont majoritairement approuvé" le référendum. Pourtant les résultats du référendum ont fluctué toute la semaine, au gré du dépouillement. Des voix se sont élevées en Equateur, pendant cette période, pour dénoncer des inexactitudes dans le décompte des voix. Une porte parole du Conseil National Electoral a même dénoncé la "partialité" de cet organe arbitral. L'Organisation des Etats Américains (OEA), qui supervisait le référendum, a critiqué samedi 9 mai le scrutin tout en affirmant qu'il n'y avait pas eu de fraudes.

 

La question 3 du référendum traitait, sans nuance, de la séparation entre sphères financière et médiatique : " Etes-vous d'accord pour interdire que les institutions du système financier privé et les entreprises de communication, [...] soient propriétaires ou aient une participation actionnariale hors du secteur financier ou de la communication ?"

La question 9 proposait la création d'un 'conseil de régulation pour réguler la diffusion de messages télévisés, radiophoniques ou écrits à caractère violent, explicitement sexuel ou discriminatoire." Enoncés ainsi, les pouvoirs de cette institution ne sont pas forcément plus larges que ceux du Conseil Supérieur de l'Audiovisuel en France. Mais il était aussi proposé, sans plus de précision, que "soient établis des critères de responsabilité des journalistes et des médias". Ce dernier point, par sa formulation vague, a soulevé l'indignation de l'opposition équatorienne, qui craint fortement qu'il puisse être utilisé pour "censurer" l'information.

Or, l'indépendance de ces juges est mise en question par le référendum. Le point 4 prévoit en effet la mise en place d'un Conseil de la Magistraturede transition,composé detroismembres dont un nommé par le pouvoir exécutif, officiellement pour lutter contre la corruption et restructurer la magistrature. L'opposition a dénoncé une tentative de mise sous tutelle du pouvoir judiciaire.

Raphael Correa Delgado avait d'abord affirmé avoir gagné sur toutes les questions. Il est revenu, dimanche 8, sur les premiers résultats du référendum, se félicitant de pouvoir ...

picto"améliorer de la qualité de l'information sociale" (sur EcuadorTv, ici repris par la chaine péruvienne AmericaTV)

Selon le Président, en Equateur, les grands groupes financiers contrôlent 60 à 70 % des chaînes de télévision. Selon TvSur, la chaîne d'info latino-américaine, favorable à Correa, "les médias de communication équatoriens sont devenus le principal bloc d'opposition au gouvernement".


En France, presque aucun article n'a évoqué ce référendum, mis à part quelques dépêches AFP publiées par les sites du Monde, de Libération ou de La Croix. Le Monde a aussi publié un article de l'un de ses correspondants à Bogota. Une indifférence traditionnelle à propos de Amérique latine, comme @si l'avait montré à propos du coup d'Etat de 2009 au Honduras.

(Par Simon Recht)

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