Envoyé spécial : le bras de fer continue
La rédaction - - Silences & censures - Médias traditionnels - 0 commentairesLe reportage sur l'affaire Bygmalion sera donc bien diffusé…
mais après la primaire de la droite, si l’on en croit le directeur de l’info de France Télévisions, cité ce mercredi par l’AFP. Comme @si vous le révélait hier, une enquête d'Envoyé Spécial sur Bygmalion, programmée pour la première émission de rentrée le 29 septembre prochain, a provoqué une violente confrontation entre la responsable du programme, Elise Lucet, et le directeur de l'information de France 2, Michel Field.
En cause, une tractation entre Field … et l'entourage de Sarkozy pour éviter à tout prix une diffusion de l'enquête au cours des primaires de la droite qui se dérouleront entre le 21 septembre et le 27 novembre prochains. Selon plusieurs sources, l'entourage de Sarkozy aurait formulé un avertissement : si France Télévisions programme l’enquête sur Bygmalion durant la primaire de la droite, pas de Sarkozy dans la première de la nouvelle émission politique et pas de débat des primaires de la droite programmé sur France 2. En face, hors de question pour la direction d'Envoyé Spécial, désormais emmenée par Elise Lucet, de déprogrammer et de se retrouver tributaire d'un agenda politique.
Envoyé spécial pris de vitesse
Silencieux jusque-là, Michel Field a finalement démenti "formellement toute intervention de Nicolas Sarkozy", ce mercredi à l’AFP. Il affirme avoir dit à l’équipe d’Envoyé Spécial fin juin-début juillet que "le sujet devait être prêt début septembre ou début décembre, car diffuser un sujet au moment où la primaire des Républicains bat son plein fait courir le risque d'instrumentaliser France Télévisions." Selon lui, à l’époque, "il n'était pas encore question de la venue de Nicolas Sarkozy dans l’Émission politique". Quant à la date de diffusion de l’enquête? Le patron de l’info de France 2 assure à l’AFP que celle-ci sera diffusée "après la primaire de la droite mais avant la fin de l'année". Une décision conforme, donc, aux premières exigences du camp Sarkozy. Seule concession de Field, "des extraits clé [du reportage] passeront au JT de France 2" ce jeudi soir.
Seul problème: en assurant à l’AFP que l’émission serait diffusée après la primaire, Field a visiblement pris de vitesse la rédaction d’Envoyé Spécial. Car si, au terme d’intenses réunions de négociation, l’équipe de l'émission et Field ont finalement trouvé un point d’accord aujourd’hui sur le fait de diffuser un extrait de l’enquête dans le 20h de jeudi, la question de la date de diffusion complète de l’enquête – point le plus sensible - était encore en cours de discussion cet après midi... quand Field a fait savoir à l’AFP que l’enquête serait diffusée après la primaire. De quoi faire bondir la rédaction d’Envoyé Spécial, inflexible sur sa volonté de maintenir la diffusion le 29 septembre, comme prévu initialement.
Pour l’heure, c’est donc un extrait de 5 minutes qui sera diffusé demain dans le journal, et non pas un montage de 26 minutes comme demandé dans un premier temps hier par la présidente de France Télés Delphine Ernotte. L’extrait en question? Un montage d’une interview de Franck Attal, l’ex-patron de la filiale événementielle de Bygmalion. Lequel était chargé d’organiser les meetings de Sarkozy en 2012. Un témoignage visiblement accablant pour l’UMP et l’ancien chef de l’Etat. Pourtant si l’on en croit Field cité par l’AFP: "Cette enquête est une analyse et n'a pas de scoop." L’équipe d’Envoyé Spécial s'en étrangle, elle qui a recueilli un long témoignage exclusif de ce personnage clé de l’affaire, lequel avait jusqu’ici refusé de s’exprimer dans les médias.
"C'est un bras de fer entre Elise Lucet, nommée pour son indépendance, face à un directeur de l'info qui semble avoir oublié les principes du journalisme", a déploré ce mercredi le délégué du Syndicat national des journalistes (SNJ), Serge Cimino. Cité par l'AFP, il fait part de son désarroi : "Nous ne comprenons pas cet argument de ne pas diffuser le sujet pour ne pas fausser la primaire". Lui aussi évoque des pressions de Nicolas Sarkozy, rapportées par des sources internes.
L'occasion de relire notre enquête d'hier : "France Télévisions : bras de fer entre Field et Envoyé Spécial"