Enquête sur des sources du Figaro ? L'Express accuse, Valls dément
Sébastien Rochat - - 0 commentairesManuel Valls a-t-il diligenté des enquêtes pour trouver les sources du Figaro ? C'est ce qu'affirme l'hebdomadaire L'Express cette semaine dans sa rubrique "Exclusifs". Des accusations prises très au sérieux par les journalistes du Figaro, qui dénoncent une "atteinte à la liberté d'informer". De son côté, Valls dément et assure que l'information est "totalement infondée".
Une nouvelle affaire d'espionnage de journaliste ? Selon L'Express, les "services" de Manuel Valls "ont reçu pour consigne d'identifier les sources du [Figaro], très critique envers sa politique en matière de lutte contre la délinquance". Identifier les sources des journalistes ? Oui, car "depuis plusieurs mois, au ministère de l'Intérieur, on s'inquiète de la publication d'informations sensibles issues de documents internes à la police ou au corps préfectoral, traitées de manière polémique", écrit L'Express. Du coup, "il a été demandé aux chefs de service, notamment à la police aux frontières, d'identifier les informateurs d'un journaliste spécialisé". Le journaliste en question s'appelle Jean-Marc Leclerc, spécialiste des sujets police et insécurité. C'est lui qui a notamment publié un article sur l'exaspération des policiers, d'après une "note confidentielle" signée par des préfets. "Colmater les fuites", l'exclusif de L'Express
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A la suite de la publication de l'information de L'Express, la Société des journalistes du Figaro a aussitôt réagi dans un communiqué en rappelant que "le secret des sources est une règle intangible dans une démocratie digne de ce nom". Et le communiqué d'ajouter que "la SDJ du Figaro met en garde quiconque serait tenté d'espionner un journaliste pour savoir d'où il tient ses informations".
Dans une vidéo, l'éditorialiste du Figaro, Yves Thréard, particulièrement en forme, demande des comptes à Manuel Valls : "Est-ce que vous avez placé des journalistes du Figaro, notamment Jean-Marc Leclerc et Christophe Cornevin qui s'occupent de la police chez nous, sous étroite surveillance ?" |
La protection des journalistes est régie par plusieurs textes. Elle figure dans la charte d’éthique professionnelle des journalistes et est protégée par la loi de janvier 2010, laquelle assure qu'il "ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi". Aurait-on pu être dans ce cas de figure ?
Joint par @si, le journaliste de L'Express, Eric Pelletier, maintient ses affirmations. Il ne sait pas quelle méthode a été employée. "Rien ne me permet de dire que la DCRI a par exemple réclamé les fadettes", nous explique-t-il en référence aux différentes révélations de ces dernières années, notamment dans le cadre de l'affaire Bettencourt. En revanche, quand on évoque avec lui le cadre juridique de la loi de 2010 et la possibilité d'enquêter sur les sources en cas d'un "impératif prépondérant d'intérêt public", Pelletier balaie aussitôt l'argument : "Je n'envisage pas une seconde que ça rentre dans ce cadre-là".
Quelle que soit la véracité de cette information, démentie par Valls et maintenue par L'Express, une chose est sûre : la nouvelle loi censée renforcer la protection des sources des journalistes n'a toujours pas été votée. Comme nous vous l'avons expliqué, le texte a été repoussé à la mi-janvier. Motif officiel ? Embouteillage parlementaire. Mais pour le député Noël Mamère, le texte a été retiré sous la pression de Manuel Valls et Jean-Yves Le Drian qui l'auraient trouvé trop restrictif. Le texte a été reprogrammé au 14 mai prochain.
L'occasion de lire notre enquête : "La protection des sources des journalistes, victime de Valls et Le Drian ?"