Emplois fictifs : pas de réquisitions "téléguidées" ? (Europe1)

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Promis, il n'y a aucune volonté politique d'épargner, jusqu'au bout, Jacques Chirac.

C'est ce qu'a affirmé ce matin sur Europe 1 Jean-Claude Marin, nouveau procureur général près la Cour de cassation, et ancien procureur de Paris.

Hier, dans le procès des emplois fictifs de la Ville de Paris, le parquet de Paris a requis la relaxe de l'ancien président de la République, jugé en son absence depuis le 5 septembre pour détournement de fonds publics lorsqu'il était maire de Paris en 1992-1995. Il se voit reprocher, avec neuf autres prévenus, 28 emplois présumés fictifs de "chargés de mission" à son cabinet de maire. C'est dans cette affaire qu' Alain Juppé a, lui, été condamné, en appel en 2004, à 14 mois de prison avec sursis et une année d'inéligibilité, en tant qu'ancien adjoint de Chirac à la mairie et secrétaire général du RPR.

Les réquisitions du parquet sonnent donc étrangement. Et vont dans le même sens que les réquisitions écrites qu'avait rendues Marin en 2009, alors qu'il dirigeait le parquet de Paris, au terme de l'instruction des deux volets de l'affaire. Les deux juges d'instruction avaient cependant refusé de suivre cet avis, et souhaité ce procès, estimant que les faits révélaient l'existence d'un "système" visant à utiliser les fonds publics pour financer les ambitions politiques de Chirac.

Alors, interroge Jean-Pierre Elkkabach, ces réquisitions ont-elles été "téléguidées" par un parquet soucieux de plaire à sa hiérarchie politique ? "Non", assure Marin : "Une pratique fondamentale dans le ministère public français veut que si par écrit, on peut prendre une position, oralement à l'audience, les magistrats sont totalement libres de leurs réquisitions, explique-t-il. Je connais les magistrats qui ont pris la parole, je puis vous assurer qu'ils ont appliqué cette règle de la liberté de parole".

Mais n'y voyez aucun numéro de langue de boispicto

Il est permis de douter de la sincérité de Marin en lisant les impressions de la spécialiste justice du Monde, Pascale Robert-Diard. Elle affirme sur son blog que les magistrats n'étaient pas libres dans ce réquisitoire, qu'elle estime avoir plutôt ressemblé à une plaidoirie d'avocats de la défense : "Il suffisait de regarder les visages sombres des avocats de la défense des prévenus pour prendre la mesure de la gêne grandissante qui a saisi la salle à l’écoute, mardi 20 septembre, des deux procureurs chargés de requérir une relaxe générale au procès de Jacques Chirac. (...) Contre un réquisitoire, on peut se battre, argumenter. Contre une plaidoirie laborieuse, reprenant aussi docilement les consignes reçues de leur hiérarchie d’abandonner toutes les charges, le malaise l’emportait."

Le plus révélateur, selon Robert-Diard, lors de cette plaidoirie, réside dans la liste des 28 emplois contestés, dont les deux procureurs justifient du bienfondé de leur recrutement : "Que l’audience ait révélé, pour certains d’entre eux, que nul ne les connaissait, qu’il leur était souvent très difficile d’expliquer eux-mêmes la mission qui leur incombait, qu’aucune trace de leur travail n’ait pu être retrouvée, n’a aucune importance, puisque les deux procureurs sont là pour voler à leur secours.

Que l’on ne trouve pas les rapports qu’ils ont rédigés? "Eh bien, on ne peut pas tout archiver!", dit Mme de Leiris. Qu’un chargé de mission appartenant à la cellule corrézienne du maire de Paris n’ait jamais mis les pieds dans la capitale? "Il faisait, comme on dirait maintenant, du télétravail", explique Michel Maes. Que l’épouse de l’ancien maire (RPR) de Dijon, Robert Poujade, ait été employée par M. Chirac pour faire des notes après "les événements de 1981"- c’est sa formule-? Rien d’étonnant, "elle était agrégée de lettres, ce qui est tout de même une référence", observe le procureur." Etc, etc.

"Il en existe tout de même un, un seul, sur lequel le parquet a des doutes, c’est le cas de l’emploi par la Ville, du chauffeur et garde du corps de l’ancien secrétaire général de Force ouvrière, Marc Blondel", note Robert-Diard. "On frissonne", raille-t-elle.

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