Elkabbach, un jour et toujours

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

Jusqu'à Elkabbach ! Jusqu'à Elkabbach, qui s'approprie son petit morceau de la vraie croix mitterrandienne

, en rediffusant ce matin sur Europe 1 une de ses interviews du grand disparu, réalisée en 1994, à la veille de son départ de l'Elysée. Mais le 10 Mai 1981, jeunes @sinautes qui ne vous en souvenez pas forcément, marqua la débâcle d'Elkabbach, forcé d'annoncer en direct, sur Antenne 2, la victoire d'un Mitterrand qu'il avait combattu jusqu'au dernier moment, fidèle à Giscard et à la droite. Le peuple ne s'y trompait pas. Quand quelques gouttes de pluie tombèrent sur la place de la Bastille, et je peux en témoigner, devant l'Histoire et la Météorologie réunies, ce sont d'ironiques "Elkabbach à la météo !" qui jaillirent spontanément du peuple rigolard. Elkabbach, depuis de si longues années, était le visage du pouvoir. Mougeotte, au moins, est fidèle à son histoire, en pestant aujourd'hui dans Le Figaro contre la Tonton-mania.

Pourquoi cette disgrâce ? Parce qu'Elkabbach, alors directeur de l'information d'Antenne 2, avait tenté d'étouffer autant qu'il le pouvait le scandale des diamants reçus de Bokassa par Giscard, qui empoisonna les dernières années du septennat du président vaincu en 1981 (et dans laquelle Le Canard enchaîné, bénéficiant du renfort du Monde, démontra sa puissance contre tout le reste de la presse). Mais même cette disgrâce, aujourd'hui, s'exploite comme une petite partie de la légende. Rien ne doit se perdre ! Sur le site d'Europe 1, Elkabbach ressuscite le journaliste tricard qu'il fut (brièvement) en 1981. "J'étais socialement mort. Les gens changeaient de trottoir lorsqu'ils me croisaient. Jean Daniel, Bernard-Henry Lévy me défendaient, mais ils étaient bien les seuls".

Bien avant la fin de l'ère Mitterrand, donc, Elkabbach revint en grâce, jusqu'à cette interview-apothéose de 1994, où il confessa un Mitterrand agonisant, alors attaqué pour son amitié persistante avec Bousquet, ex-organisateur de la rafle du Vel d'Hiv. En laissant d'ailleurs le vieux président, sans le rectifier, proférer quelques mensonges énormes, comme le fait que le statut des Juifs, sous Vichy, ne concernait que les Juifs étrangers. Depuis, Elkabbach n'en finit plus d'exhiber en pleine lumière la longue traîne de ses casseroles. Que nous dit l'éternelle résurrection d'Elkabbach ? Que tous les pouvoirs ont besoin d'un Elkabbach. Ce sera ma leçon matinale de l'anniversaire du 10 Mai.

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