Education : interview de Blanquer retirée (Les Inrocks)

Juliette Gramaglia - - Pédagogie & éducation - 0 commentaires

Mais où est passé l'interview exclusive du nouveau ministre de l’Éducation Nationale, Jean-Michel Blanquer ? A la date du jeudi 17 mai, l'association SOS Éducation, proche de la cathosphère comme nous vous le racontions, publiait sur son blog un long entretien de Blanquer, fraîchement nommé ministre, dans laquelle ce dernier détaillait sa "vision systémique" de l'éducation. Pourtant, comme l'ont noté Les Inrocks le 19 mai, l'interview avec le nouveau ministre de l’Éducation Nationale n'est plus disponible sur leur site.

Publiée, puis supprimée. L'association SOS Éducation a mis en ligne sur son blog, à la date du 17 mai, une interview exclusive du tout nouveau ministre de l’Éducation Nationale. Avant de la supprimer, deux jours plus tard, comme l'ont remarqué Les Inrocks vendredi 19 mai, qui sont partis à la pêche à l'interview, encore disponible grâce à la version cache de Google.

Article des Inrocks, 19 mai 2017

Que disait Blanquer dans cette interview, qui d'après SOS Éducation, contactée par Les Inrocks, ne date pas du 17 mai, mais de "plusieurs mois" ? Blanquer y critique une "dérive de l’éducation due au fait qu’elle a été trop saisie par la temporalité politique, par les effets d’alternance et de stop-and-go" et appelle à dépasser "le clivage droite-gauche" dans l'éducation (argument qui colle bien à ceux du nouveau président).

Le nouveau ministre vante les "sciences cognitives", qui pourraient révolutionner les méthodes d'enseignement (tout en n'étant pas "l'alpha et l'oméga" en matière d'éducation). Surtout, Blanquer explique vouloir donner "plus d'autonomie aux acteurs" de l'éducation. C'est-à-dire qu'il faut, selon lui, "donner de la liberté à certains territoires, à certaines structures", en créant par exemple des établissements autonomes, dont le principe pourrait, à terme être généralisé. "Il faut commencer sur une petite base de 5 à 10 % d’établissements volontaires, montrer que c’est un jeu gagnant pour tout le monde, y compris pour les professeurs qui pourront choisir leur lieu de mutation, développe-t-il. Par ailleurs, il faut aussi faire saisir qu’il y a des effets de système et que si un élément administratif est modifié, des éléments pédagogiques le seront aussi : si le recrutement des professeurs est modifié, leur formation le sera également, ainsi que le contenu des programmes.

SOS Éducation, une association "sulfureuse"?

Mais quelle est cette association à qui Blanquer a accordé une interview, et que Les Inrocks qualifient de "sulfureuse", "anti-avortement" et "proche de l'extrême droite" ? Fondée en 2001, SOS Éducation se présente comme une association "apolitique", "libre et indépendante, ni confessionnelle, ni partisane" et revendique 60 000 membres. Elle lutte contre l'insécurité à l'école et souhaite remettre au goût du jour l'enseignement des "savoirs fondamentaux" (lecture, écriture, mathématiques). 

L'association est en tout cas liée à la cathosphère de droite. Comme nous vous le racontions, SOS Éducation a, malgré son "apolitisme" appelé à voter François Fillon à la primaire de la droite et du centre. Elle s'est également engagée contre les "ABCD de l'égalité" à l'école, qu'elle qualifiait d'"idéologie" propageant la "théorie du genre" (un argumentaire que l'on retrouve notamment au sein du mouvement de la Manif pour Tous). Le délégué général de SOS Éducation a quant à lui été "consulté" par le pôle éducation de Sens Commun, l'émanation de la Manif pour Tous proche des Républicains, en vue de l'élaboration d'un "programme politique".

Soutien de SOS Éducation à François Fillon, en novembre 2016

De l'interview de Blanquer, on ne trouve donc aujourd'hui plus trace sur le site de l'association. Le sommaire d'un recueil intitulé Si j'étais ministre de l’Éducation, qui devait paraître le 12 mai, a même été modifié. Au lieu de l'entretien de Blanquer, c'est désormais celui d'Eric Mestrallet, fondateur des écoles Espérance Banlieue, écoles "hors contrat" surveillées par l’Éducation Nationale, qui est annoncé sur le blog de SOS Éducation (l'ancienne version est visible en cache). Et à la place de l'interview en ligne de Blanquer, on peut désormais lire une lettre ouverte du délégué général de l'association Mongin, qui se réjouit de la nomination d'un ministre "pragmatique" dont "l’héritage humaniste [...] doit permettre de tourner définitivement la page d’une politique éducative jacobine et égalitariste, longtemps démagogique et brouillonne, devenue proprement ruineuse."

L'association a expliqué que l'interview de Blanquer ne réapparaîtrait pas sur le site, mais qu' "une demande pour une nouvelle interview sera faite «dans les prochains jours»", racontent Les Inrocks. Dans un droit de réponse publié le même jour que l'article des Inrocks, Mongin a expliqué avoir "jugé opportun" de remplacer l'interview, réalisée "il y a plusieurs semaines", publiée sur le site par sa lettre ouverte, qui "suffit à démontrer que SOS Éducation ne cherche nullement à dissimuler ce que lui inspirent certaines propositions de Monsieur Blanquer". Pourquoi, alors, ce remplacement ? "Je n'ai reçu aucune consigne, explique Mongin au Figaro. J'ai décidé de moi-même d'effacer ces textes, craignant que l'étiquette conservatrice et parfois droitière de SOS Éducation ne cause du tort à ces deux hommes lorsque, par exemple, ils auraient à négocier avec les syndicats d'enseignants". Mystère résolu.

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