Ebola : le FMI responsable ?

Robin Andraca - - 0 commentaires

Un an après que le virus a commencé à se répandre en Guinée et fait plus de 7000 victimes, des chercheurs anglais pointent du doigt la responsabilité du FMI, dont les exigences en matière de rigueur budgétaire auraient affaibli les systèmes de santé des trois pays africains les plus touchés : la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.

C'est un article de quelques paragraphes, publié lundi 22 décembre sur le site de la revue scientifique médicale britannique The Lancet. Selon ces chercheurs, issus du département de sociologie de l'Université de Cambridge, de l'université d'Oxford et de la London School of Hygiene and Tropical Medicine, les programmes de réformes exigés par le FMI ont entravé le développement de services de santé efficaces en Guinée, au Libéria et en Sierra Leone : "Les programmes, dont le FMI s'est fait l'avocat, ont contribué aux problèmes de moyens financiers et de personnels et au manque de préparation des systèmes de santé dans les pays frappés par Ebola", estime Alexander Kentikelenis, sociologue de Cambridge et principal auteur de l'étude.

L'article estime que les programmes de réforme exigés par le FMI ont abouti, dans ces trois pays, à des coupes dans les dépenses publiques, des réductions de salaires et à la décentralisation des système de santé. Dans une lettre écrite au FMI, datée du 1er février 2014, les autorités guinéennes reconnaissaient, par exemple, qu'il était "malheureusement impossible, à cause des réductions de dépense publique", d'investir davantage dans les secteurs prioritaires en juin et en septembre 2013. L'étude pointe aussi la responsabilité du FMI qui conseille souvent aux pays endettés de réduire la masse salariale de leurs dépenses publiques. Un plafonnement "souvent mis en place sans prendre en compte l'impact sur les dépenses prioritaires", constate un rapport indépendant du FMI en 2007. Les chercheurs estiment que ces coupes entraînent aussi l'émigration du personnel de santé (en se fondant, cette fois, sur une étude introuvable en ligne).

Troisième et dernier point : en préconisant la décentralisation des système de santé, afin de rendre les soins plus adaptés aux besoins locaux, le FMI aurait paradoxalement rendu plus difficile une mobilisation coordonnée en cas de grave crise sanitaire. L'étude s'appuie sur l'exemple guinéen, qui au début des années 2000, a suivi les conseils du FMI. Cinq ans plus tard, un rapport du FMI constate que la décentralisation est "insuffisante et inefficace". Dans le même rapport, un membre du FMI signale que la qualité de service s'est détérioriée, "en particulier dans l'éducation, la santé et les services publics".

Un porte-parole du FMI a réagi, estimant qu'il était "totalement faux" d'affirmer que la propagation d'Ebola était une conséquence de la politique de l'institution. "De telles accusations sont basées sur un malentendu, et dans certains cas sur une déformation des politiques économiques pratiquées par le FMI", a-t-il ajouté avant de rappeler que le FMI avait fourni une aide financière de 130 millions de dollars en septembre, dans le cadre de la lutte contre Ebola, et qu'il envisageait de fournir une somme similaire à la Guinée, au Liberia et au Sierra Leone l'an prochain. 

L'occasion de relire notre enquête : "Ebola, clips et contre-clips".

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