Drones : témoignage d'un pilote (GQ)

Gilles Klein - - 0 commentaires

Un des premiers co-pilotes de drone tueur témoigne du travail à distance qu'il a commencé en 2006. Une mission qui l'a amené aussi bien à soutenir des unités de combat, qu'à tuer nombre de personnes, dont il ne connaissait que peu de choses raconte le magazine américain GQ.

Pilote (à gauche) et copilote d'un drone MQ-1B Predator à leur poste de commande



Brandon Bryant, un jeune militaire de l'US Air Force, s'est engagé en 2006.

Quelques semaines après son 21e anniversaire, depuis un local métallique sans fenêtre, une Ground Control Station (GCS) située sur la base de Nellis, près de Las Vegas, il tire un missile Hellfire (95 000 $ l'unité) sur des hommes armés qu'il tue. C'était la première fois, raconte le magazine GQ qui l'a longuement rencontré.

Aujourd'hui Bryant parle de sa mission qui a duré six ans. Il dit admirer les lanceurs d'alerte comme le soldat Manning (Wikileaks) ou l'ex-agent de la CIA, Edward Snowden, mais se garde bien de divulguer des informations confidentielles sur son travail.

Bryant travaillait douze heures de suite, six jours sur sept, dans le noir, où l'odeur de la sueur se mêlait avec celle des cigarettes. Un drone, lui, a une autonomie de 18 heures. Il raconte qu'il lui est arrivé de surveiller la maison d'une cible importante pendant des semaines face à ses sept écrans. Les missions se succédaient pour protéger des convois, ou des patrouilles, détecter des explosifs cachés sur une route, des combattants en embuscade ou éliminer des cibles qui lui étaient affectées. Il évoque l'impact destructeur de son travail sur sa vie : "C'est tout sauf un jeu vidéo".

Drone MQ-1 Predator (8 m de long, 16 m de large) armé avec un missile AGM-114 Hellfirepicto

 

 

 

Après son premier tir, il dit n'avoir parlé à personne pendant des semaines. Il cite le cas d'une femme soldat qui refusé de re-tirer après son premier tir mortel, même sous la menace d'un passage en cour martiale.

Finalement en 2011, Bryant quitte l'Air Force. Il a plus de 6 000 heures de vol à son actif. On lui remet un résumé de ses missions. Il découvre qu'il a tué 1 626 personnes lors de combats ou lors de mission d'élimination : "Cela m'a rendu malade". Il a ensuite vu thérapeute qui a diagnostiqué un syndrome post-traumatique, et considère aujourd'hui qu'il a gâché six ans de sa vie.



En 2011, des psychologues de l'US Air Force ont étudié l'état psychologique de 600 opérateurs de drones de combat : 42% étaient atteints de stress modéré ou élevé, et 20% étaient à bout, épuisés émotionnellement, victimes de "burnout."

L'occasion de retrouver sur notre plateau Grégoire Chamayou, auteur du livre "La théorie du drone" dans notre émission D@ns le texte.

Lire sur arretsurimages.net.