Djihad, économie : Matignon communique
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesJe ne sais pas s'il y a un spin doctor à Matignon, breveté EuroRSCG, modifié Publicis conseil
, diplômé de l'université Havas, mais ça y ressemble. Voici donc le successeur de Valls à l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, sur le plateau du 20 Heures de France 2. Roulements de tambour : le gouvernement a un plan pour lutter contre les djihadistes français en Syrie. Des cyberpatrouilles contre les djihadistes en quête d'amis Facebook (le djihadiste français attache beaucoup de prix à l'amitié, et il est volontiers fanfaron), quelques confiscations de passeports, sur simple soupçon, pour les candidats au djihad, et un numéro vert pour les parents éplorés. Plan, plan, et rataplan : le djihad français n'a qu'à bien se tenir.
Poliment, ni l'interviewé ni l'intervieweur ne font allusion à l'élément déclencheur de ce grand combat : ces geôliers des quatre journalistes français libérés l'avant-veille qui, assurent certains ex-otages (pas tous),"parlaient français". Mais ce déclencheur est dans toutes les têtes. Bravo le gouvernement, qui a réagi en deux jours (même si Cazeneuve ne fait qu'endosser un plan mitonné par Valls, et qui attendait dans les cartons le moment propice à une présentation solennelle. Les téléspectateurs ne sont pas obligés de le savoir). Il serait évidemment absurde d'accuser le gouvernement d'avoir soigneusement choisi le moment de la libération des Quatre, pour faire diversion à tout le reste. Mais disons qu'il a efficacement sauté sur l'occasion.
Tout le reste ? Plus tard, bien plus tard dans les profondeurs du JT, à propos des 50 milliards d'économies, un ballet de Messieurs est reçu à Matignon. Il en ressort que Valls, attentif et "à l'écoute" des parlementaires, va peut-être "faire un geste" sur les traitements des fonctionnaires, ou les petites pensions. On ne perd pas de temps à préciser que ces huiles du groupe socialiste à l'Assemblée sont les porte-parole d'une base parlementaire apparemment bouillonnante de colère et d'effroi, qui se partage entre bolcheviques, qui veulent ramener les 50 milliards à 35, et mencheviks, simplement désireux de répartir autrement les 50 milliards. On ne va pas entrer dans ces détails. Quand la colère éclatera vraiment (si elle éclate) il sera bien assez tôt pour en parler aux enfants, pardon, aux télespectateurs.