Dilma Rousseff "accusée de corruption" ? Pourquoi Atlantico se trompe

Manuel Vicuña - - Intox & infaux - 0 commentaires

Les femmes ne gouverneraient pas mieux que les hommes? C’est Atlantico qui a soulevé ce lièvre dans un billet signé ce vendredi par l’ex-éditorialiste du Figaro, Christian Combaz.

L’homme est formel : une fois au pouvoir, les femmes ne seraient pas moins corrompues que leurs homologues masculins. La preuve par trois selon Combaz ? L’ex-dirigeante brésilienne Dilma Rousseff, son homologue argentine Cristina Kirchner et la présidente sud-coréenne Park Geun-Hye: "toutes accusées de corruption" titre Atlantico. Sauf que, dans le cas de l’ex-présidente brésilienne, destituée au terme d’une procédure politico-judiciaire, celle-ci n’est pas accusée de corruption.


Comme nous l’expliquions notamment ici et ici, et contrairement à ce qu’avançaient déjà à l’époque plusieurs médias français, la procédure de destitution qui a couté son poste à Rousseff ne porte pas sur des faits de corruption, mais sur une accusation de "pédalage" budgétaire. Une forme de "maquillage" des comptes publics, sans aucun enrichissement personnel.

Les opposants de Rousseff lui reprochaient le fait que le gouvernement a emprunté jusqu’à 10 milliards d’euros auprès de banques publiques pour régler des dépenses publiques. L’objectif ? Décaler d’un an la comptabilisation de ces dépenses, pour minimiser l’ampleur du déficit public au moment des élections. Pour Le Monde, il s’agit surtout d’une "ruse dont ont usé tous les présidents, bien que dans une moindre ampleur" et d’un "prétexte, donc", pour sa destitution. "Surtout, Madame Rousseff est un cas presque unique parmi les grandes figures politiques brésiliennes: elle n’a jamais été accusée d’avoir volé pour elle-même", soulignait par ailleurs le Times.

Et si une grande enquête de corruption secoue bel et bien le Brésil actuellement, elle ne vise pas directement Rousseff. A l’inverse des deux grands orchestrateurs de sa destitution, le nouveau président Michel Temer et l’ex-président de l’assemblée brésilienne Eduardo Cunha, Dilma Roussef "n’a jamais été mentionnée par les 77 délateurs entendus par la justice dans l’enquête sur le vaste réseau de corruption qui touche toute la classe politique" rappelait sur France Inter le 19 décembre le journaliste Anthony Bellanger, reçu sur notre plateau en mai. Le 24 décembre, The Guardian constatait également que "le prétendu acte répréhensible de Dilma Roussef – avoir maquillé les comptes publics – est beaucoup moins grave que les soupçons qui pèsent sur plus de 100 députés qui se sont élevés contre elle lors de sa destitution." Invité sur notre plateau, le chercheur spécialiste de l’Amérique latine Christophe Ventura analysait les raisons de la destitution de Rousseff: "Il s'agit bien d'un coup d’Etat institutionnel mais de nouvelle génération, qui consiste à instrumentaliser la constitution et ses leviers pour éliminer ses adversaires politiques."

L'occasion de revoir notre émission qui traitait de la destitution de Rousseff : "En Amérique latine les médias sont des acteurs politiques". L'occasion aussi de (re)lire notre article : "Non, Dilma Rousseff n'est pas destituée pour corruption !"


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