Dette grecque : les Européens ont tenté de bloquer un rapport du FMI
Anne-Sophie Jacques - - 0 commentaires50 milliards d’euros : c’est la somme nécessaire à la Grèce d’ici les trois prochaines années selon
un rapport du FMI rendu public jeudi. Le Fonds monétaire international ne voit que deux solutions : ou rallonger de délai de remboursement de la dette de quarante ans ou carrément en supprimer une partie. Pourtant, selon l’agence de presse Reuters, ces conclusions ont failli rester dans l’ombre sous pression des membres européens de l'institution.
Faut-il alléger la dette grecque qui frôle actuellement les 180% du PIB ? Selon un rapport du FMI publié jeudi, il existe deux hypothèses : soit rallonger les délais de paiement de la dette grec de quarante ans "avec une période de grâce sur les taux d’intérêt de… vingt ans", soit procéder à un effacement de la dette de l’équivalent de 30 % du PIB. Cette dernière hypothèse va dans le sens du gouvernement grec – qui milite en vain pour une restructuration de sa dette – mais n’arrange pas vraiment les institutions européennes.
Aussi, à en croire l’agence de presse Reuters, "lors d'une réunion du conseil d'administration du FMI mercredi, les membres européens de l'institution se sont interrogés sur l'opportunité de publier un tel rapport à trois jours d'une consultation populaire susceptible d'entraîner la Grèce hors de la zone euro en cas de victoire du non". En clair : mieux valait cacher les conclusions de ce rapport afin d’éviter toute récupération politique. Ce que n’a pas manqué de faire le premier ministre Alexis Tsipras qui, lors d’une intervention télévisée vendredi, a invoqué ce rapport en poussant les Grecs à voter non aux exigences des créanciers lors de la consultation prévue dimanche.
Toujours selon Reuters, ce souhait des Européens est resté lettre morte : "il n'y a pas eu de vote mais les Européens étaient manifestement minoritaires et les Etats-Unis, dont la voix est prédominante au sein du FMI, étaient nettement favorables à la publication du rapport. […] Tous les arguments ont été soupesés par le conseil d'administration, y compris le risque d'une récupération politique de ce document, mais l'opinion majoritaire était que tous les chiffres et tous les éléments de réflexion devaient être exposés de manière transparente avant le vote des Grecs". Et une source citée par Reuters de tacler les administrateurs européens (qui sont élus par les pays membres du FMI) : "nous ne vivons pas dans une tour d'ivoire ici. Mais l'UE doit comprendre que tout ne peut pas se décider en fonction de ses propres impératifs".
Pour autant, lors de la publication du rapport en question, tous les journaux n’ont pas choisi de titrer sur cette hypothèse de l’allégement de la dette. Ainsi, le site de La Croix a choisi de mettre en avant la pression exercée sur la Grèce par le FMI. En effet, le rapport n'est pas tendre avec le gouvernement de Tsipras rendu responsable de cette situation économique "déplorable" et affirme que "les besoins de financements globaux ont été aggravés par «d'importants changements politiques»." Syriza est clairement visé. Et encore, rapporte Le Figaro, "le FMI précise dans son rapport que les récentes péripéties du pays (fermeture des banques, contrôle des capitaux, défaut vis-à-vis du FMI) ne sont pas prises en compte. Leur «impact négatif» ne fait aucun doute". L’institution fustige également "les «engagements vagues» des autorités à Athènes sur les privatisations réclamées par les créanciers occasionnant 9 milliards d'euros de manque à gagner" et assure par ailleurs que la croissance du pays estimée à 2,5% pour 2015 serait en réalité proche de zéro. Le FMI au secours de Tsipras ? C'est vite-dit.
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