Detroit, entre paupérisation et gentrification

Alain Korkos - - 0 commentaires

Le Monde papier daté du 12 novembre vient de publier un article intitulé Détruire Detroit, la reconstruire. Il est illustré par une photo d'immeubles abandonnés signée Julien Chatelin :

Photo © Julien Chatelin


La veille, le même Monde publiait sur le ouèbe un diaporama de dix photos de cette ville réalisées par Camille Bessard, Detroit : vestiges avant démolition :

Photos © Camille Bessard


On a vu, ces dernières années, beaucoup d'images de Detroit en ruine. Les photographes Yves Marchand et Romain Meffre avaient notamment publié en 2010 un ouvrage intitulé Détroit, vestiges du rêve américain qui fit sensation.

Photo d'Yves Marchand et Romain Meffre, 2010


Dans un autre genre, le New York Times publia en juillet 2014 une impressionnante mosaïque réunissant, grâce à Google Street View, les 43 634 propriétés risquant d'être saisies cette année. Extrait :


On peut cliquer sur chaque image afin de la voir en plus grand…


… mais on n'obtiendra aucun renseignement supplémentaire. Pour cela, il faudra se rendre sur le site de la Detroit Blight Removal qui propose une carte interactive de la ville :


Il suffit de cliquer sur l'un des quartiers puis de zoomer, pour  avoir accès à un plan détaillé de chaque parcelle. En cliquant à nouveau dessus, on obtient une photo du lieu ainsi que de précieuses indications concernant l'état du bâtiment s'il y en a un : occupé ou non, utilisation commerciale ou résidentielle, nombre d'appartements, état général de la construction, risques d'incendie, envahissement ou non par les ordures, qualité du propriétaire (privé ou maison saisie par un créancier).


Quelques exemples en détail :


Ce travail phénoménal, qui a consisté à recenser les 380 000 parcelles de la ville, a été réalisé pendant l'hiver 2013. En dix semaines, chaque surface de six hectares (soit un carré de 245 mètres de côté) fut couverte par cent cinquante experts qui remplirent des fiches de renseignements et photographièrent les lieux. Il apparut, à l'issue de ce gigantesque recensement immobilier, que la ville de Detroit comptait 84 641 constructions abandonnées dont 40 077 méritaient d'être détruites.

Brian Farkas, directeur des projets spéciaux à l’agence des bâtiments de la ville de Detroit, déclare, dans l'article du Monde cité plus haut, que tout doit être « nettoyé dans cinq ans ». Sauf que « les précédentes villes qui ont dû faire face à ce genre de problèmes n’ont jamais été capables de détruire plus de 7 000 structures par an. À ce rythme, Detroit aurait besoin de onze années », peut-on lire dans ce même article.

Autre problème (on oubliera les coûts phénoménaux et les problèmes environnementaux que ces destructions entraînent) : la ville a choisi d'effectuer en priorité ces démolitions dans les quartiers qui ont d'ores et déjà repris une activité économique. D'où une "gentrification" des lieux pendant que les quartiers les plus démunis continuent de s'enfoncer dans le marasme, la paupérisation. Allez, les pauvres, au boulot !

Photo issue site du site de la Detroit Blight Removal


L'occasion de lire ma chronique intitulée Pourquoi tant de ruines ?

Lire sur arretsurimages.net.