Désintox (Libé) "enrôlée" par Le Pen

Est-ce désagréable et/ou problématique de se retrouver enrôlé dans la com’ de Marine Le Pen?

Cédric Mathiot, journaliste en charge de la rubrique Désintox de Libé - que nous avions invité dans cette émission - pose la question sur son blog. Lors de son dernier discours, le 15 janvier à Rouen, Marine Le Pen s’est ainsi référée à un article récent de la rubrique. "Sur l’immigration, même le journal Libération confirme que je dis la vérité aux Français, que les chiffres dramatiques que je rends publics sont les bons, malheureusement les bons, quand Guéant ment, trafique, truque, dissimule!", disait-elle.

"Oui, j’ai raison de dire que 2011 fut encore pire que l’année d’avant, encore 4 % d’immigration en plus, après 2010, déjà une année record. Un bilan qui ferait pâlir de jalousie les socialistes les plus sans-papiéristes! "

Le Pen faisait allusion à cette note du blog de Libé, selon laquelle les arguments du ministre de l’Intérieur étaient de mauvaise foi. Guéant affirmait que l'OFII (source des données de Marine Le Pen, qui faisait état d'une augmentation de 3,7% des entrées en France par rapport à la même période en 2010) n’a jamais été considéré comme capable de mesurer avec fiabilité les flux migratoires. Pourtant, deux ans auparavant, Eric Besson s'était basé sur ce même OFII. Une mise au point en faveur de Le Pen qui est mal passé sur Twitter : certains s'étaient désolés de voir Désintox "rouler pour le FN", voire de "bouffer à tous les rateliers".

"Les faits sont les faits", rétorque Mathiot. "Et ne deviennent pas des mensonges quand ils proviennent de la bouche de Marine Le Pen. Nous serions finalement peu crédibles si nous étions incapables de respecter cette règle. Oui, Guéant a tort en tentant de ridiculiser comme il le fait les statistiques de Le Pen. Oui, Le Pen est fondée à les citer comme une source valable. Oui, Le Pen est fondée à dire que le gouvernement a tout fait pour rendre illisibles les statistiques de l’immigration depuis trois ans." Et d'ajouter : "Dire cela ne signifie pas qu’on est d’accord avec ce que Marine le Pen fait dire aux chiffres en question. A savoir qu’ils sont "dramatiques".

Cet épisode montre bien ce qu'est le fact-checking, mais aussi ses limites : "il n’est pas un juge arbitre de la validité des propositions politiques. Il est un outil pour assainir les bases du débat. Il ne remplace pas le débat", résume Mathiot, qui ajoute que Marine Le Pen a d'ailleurs fait l'objet, elle aussi, d'articles pour rétablir quelques vérités dans Desintox (ici, ici, ici ou là). Sans en faire de publicité.

Retrouvez notre article "le Factchecking arrive doucement en France" et notre émission sur le sujet.

Cet épisode pose aussi la question de la manière dont les médias doivent traiter de Marine Le Pen. Notre émission sur le sujet est ici.