Descoings / homosexualité : tabou ?

Gilles Klein - - (In)visibilités - 0 commentaires

L'homosexualité de Richard Descoings, ex-directeur de Sciences Po, est-elle "le principal élément" de sa mort à New York, le 3 avril ? Sur le site Minorités, (basé à Bruxelles, fondé en 2002 par une petite équipe renforcée par Didier Lestrade en 2007), le journaliste Patrick Thévenin revient sur la mort de Richard Descoings, sur l'homosexualité et sur l'attitude des médias à ce sujet. Cet article a aussi été repris par Rue89.




"Qu'importe si le bilan de Descoings à la tête de Science-Po est plutôt positif et si ses anciens élèves la larme à l’œil tiennent à lui rendre hommage mordicus." estime Thévenin.

"Bien sûr, comme toujours dans ces cas-là, et l’affaire François-Marie Banier l’a bien prouvé, la presse française s'est bien gardé de dévoiler le principal élément de l'histoire, qui malgré ce que certains essaient de nous faire croire a plus que son importance: Richard Descoings était gay. Il faut avouer que depuis quelques années, celui dont on dit qu'il aurait un jour déclaré en amphi comme une boutade, « Je suis le premier pédé de Science-Po », a redessiné les cartes de son CV. Il s'est marié en 2004 avec sa collaboratrice, Nadia Marik, directrice adjointe de l'école et mère de deux enfants."

Interrogé dans Libération du 31 janvier 2012, Descoings avait vivement réagi :

"Voyez-vous un «complot» contre vous ?"

"Je refuse toute paranoïa. C’est possible, mais je préfère être naïf que conjurationniste. Ce que je vois, c’est qu’à un moment donné, on s’est mis à parler sexe, argent et culture générale. On a fait mon outing forcé dans les colonnes du Monde. Je ne vois pas ce que ma prétendue homosexualité a à voir. C’est en plus survenu à l’occasion de mon mariage. Que répondre ? Que je ne suis pas homosexuel ? Non, rien. Lorsque vous n’êtes pas marié, personne n’a le droit de mentionner que vous êtes avec quelqu’un, c’est le secret de la vie privée. Quand je publie mes bans de mariage, on peut dire des horreurs sur ma femme [directrice de la stratégie à Sciences-Po, ndlr], personne d’une grande compétence, et sur moi."

 

Thévenin commente ainsi les propos de Descoings à Libération : "Les horreurs dont soi-disant Le Monde s’est fait l’écho, excusez-moi, consistaient en ces quelques lignes, lors d’un portrait consacré à Nadia Marik: «À la surprise générale elle l'épouse [Richard Descoings], lui qui n'avait jamais caché son homosexualité. »"

"En fait, le seul média à affirmer ouvertement que Richard Descoings était gay, à la suite de son décès, fut un site anglais. (...) Pendant ce temps-là, la presse française marchait sur des œufs, il fallait fouiller loin sur le web pour trouver une trace où Descoings parlait de son homosexualité dans un article (Le Point en 2006)", ajoute Thévenin.

Le Point écrivait en effet le 9 mars 2006 : "Où s'arrêtera Richard Descoings, l'irrésistible directeur de Sciences po Paris ? A 47 ans et en deux mandats à la tête de l'institut de la rue Saint- Guillaume, il s'est attaqué avec succès à tous les tabous de notre enseignement supérieur. (...)Descoings a développé une sorte de métaphysique de la réforme, selon laquelle, si on ne change pas en permanence, on meurt. (...) Descoings a souffert pour entrer dans le moule du bon élève, et aujourd'hui il ne s'interdit plus rien."

"Puis Le Point ajoutait: "Ainsi, il y a deux ans, celui qui n'hésitait pas à déclarer en amphi qu'il était « lepremier pédé de sciences po » épouse sa collaboratrice Nadia Marik. Politiquement, c'est un coup de théâtre. Richard Descoings passe pour un homme de gauche : il a commencé sa carrière dans les cabinets de Michel Charasse, puis de Jack Lang. Mais sa femme, elle, est adhérente à l'UMP, où elle a été nommée par Alain Juppé secrétaire nationale chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche."

Thévenin remarque aussi la frilosité des sites gays : "Dans sa nécro, Libé le traitait d’iconoclaste (ah, ah, ah)…Les principaux sites gay d’information quant à eux, se contentaient de reprendre les dépêches AFP, certainement angoissés par l’idée de donner une image pas très reluisante de l’homosexualité, mais surtout déboussolés par le parcours d’un pédé qui avait roulé plutôt à gauche jusque-là, vivait en couple avec un grand ponte de l’industrie, avant de s’inventer une virginité hétérosexuelle et de fricoter avec Sarkozy..."

"Le plus fascinant dans cette nouvelle sordide, c’est que sur les réseaux sociaux, ou dans les commentaires relatifs à l’affaire, les homos eux-mêmes prirent le parti de défendre le droit de Descoings à cacher sa sexualité.Ce qui, pour un homme à la tête d’une institution censée former les élites de demain, et payé avec nos impôts, a de quoi faire peur", conclut Thévenin.

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