Denisot-Hees, la question qui tue
Daniel Schneidermann - - Humour - 0 commentairesEt Michel Denisot, inquisiteur impitoyable, planta son regard d'aigle
dans les yeux de Jean-Luc Hees, président de Radio France, invité du Grand journal : "en un mot, y a-t-il eu pression politique ?" Admirable question, implacable dans sa simplicité antique. On parlait évidemment, du licenciement de Porte et Guillon. Le pouvoir était-il intervenu ? Hees se sut alors acculé. Aucune issue. Sans doute regretta-t-il amèrement d'avoir accepté l'invitation du Grand journal de Canal+, où les puissants ne sont guère ménagés. Ah, s'il l'attendait, cette question ! |
Hees venait d'ailleurs de croire s'en tirer en révélant à la Nation (et à la postérité) les circonstances exactes de la décision : c'est en regardant Domenech lire à la télé le communiqué des Bleus grévistes, qu'il avait pris sa décision. Son sang chaud de fier dirigeant n'avait fait qu'un tour. "Je ne m'appelle pas Domenech" répondrait-il fièrement au Monde qui l'interrogeait. A la seconde, partaient les lettres recommandées de licenciement. Mais cela ne suffisait pas à Denisot. Si le Grand journal avait décommandé Thibault et Chérèque, initialement invités au soir de la grande journée de lutte sur les retraites, c'est qu'il fallait faire cracher à Hees l'aveu de la pression du pouvoir. "Non" lâcha Hees dans un soupir, avec la sérénité de l'homme qui a sa conscience pour lui. Le public du Grand journal respira. La décision était donc purement professionnelle. Dieu soit loué ! On pouvait passer au foot.
S'il restait, dans le tourbillon d'enculades qui constitue l'essentiel de l'actualité de cette fin de saison, deux sous de bon sens à quelqu'un, on pourrait se demander ce que vaut ce dirigeant d'entreprise publique, qui prend une décision aussi importante (licencier les deux humoristes qui valent à sa station ses deux plus forts pics d'audience de la journée), sous l'effet d'un affect passager, pour soigner son égo meurtri. Si "l'actionnaire" de Radio France, si cher à Val, raisonnait en effet en actionnaire, il aurait déjà convoqué Hees et Val, pour leur demander des comptes sur la vertigineuse dégradation de l'image de la radio publique, intervenue en quelques jours. Mais c'est manifestement moins urgent que de papoter avec Thierry Henry.
Abonnés ou non abonnés, vous pouvez recevoir chaque matin cette chronique dans votre boîte mail. C'est ici.