Déclaration d'intérêts : Moscovici plus bavard à Bruxelles qu'à Paris
Sébastien Rochat - - 0 commentairesOn ne plaisante pas avec la transparence et les conflits d'intérêts à Bruxelles. Comme tous les commissaires européens, Pierre Moscovici, nommé aux Affaires économiques et monétaires, à la Fiscalité et à l’Union douanière, a rempli une déclaration d'intérêts détaillée. Et même très détaillée : l'association Regards citoyens constate qu'il déclare "trois fois plus d'intérêts" à la commission qu'à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) lorsqu'il était député en France. Et parmi ses intérêts, il y a notamment son penchant pour la saucisse.
Un CV sur les dix dernières années : voilà comment on pourrait résumer les déclarations d'intérêts que doivent remplir les commissaires européens. La fiche de Pierre Moscovici est, à ce titre, très instructive car elle permet de mesurer le décalage entre la transparence version européenne et la transparence version française. Redevenu député après son départ du gouvernement en juin 2014, Moscovici avait déjà dû remplir une déclaration d'intérêts (document PDF). Que l'on peut résumer assez facilement : à l'exception de ses mandats et fonctions politiques exercés au cours des cinq dernières années (député, président de communauté d'agglomération et conseiller délégué du Pays de Montbélliard), toutes les autres cases portaient la mention "néant".
Dans la version européenne (document PDF), qui s'intéresse aux dix dernières années d'activités (et non aux seules cinq dernières années comme en France), la fiche est beaucoup plus complète.
Sur Twitter, l'association Regards Citoyens s'étonne du décalage entre les deux déclarations :
Car au-delà de ses mandats et fonctions politiques, Moscovici précise dans sa déclaration d'intérêts envoyée à la Commission qu'il a également exercé des fonctions, "à titre honorifique" (sous-entendu, sans salaire) dans plusieurs organisations et fondations : "président de l'Association "A gauche, en Europe" de 2003 à 2007", "président du mouvement européen France de 2005 à 2006", "membre du Conseil d'orientation scientifique de la fondation Jean Jaurès", "membre du comité scientifique de l'Institut Bosphore". Et surtout, "vice-président du Cercle de l'industrie de 2004 à 2012", un groupe de lobbyistes chargé de défendre les intérêts du patronat auprès des institutions européennes.
A côté de ses activités non lucratives, il y a les activités rémunérées : de 2004 à 2012, Moscovici a été maître de conférences à Sciences Po sur le thème "métier d'homme politique". Il a également été "professeur invité à l'Université de Colombia", aux Etats-Unis en 2006. Moscovici, multi-casquettes, n'a pas simplement enseigné : entre 2005 et 2008, il était inscrit comme avocat au Barreau de Paris "en qualité d'associé du Cabinet Rossini Société d'avocats". Autant d'éléments qui ne figurent pas dans la déclaration d'intérêts française puisque s'agissant des activités rémunérées, seules celles que le député continuait d'exercer devaient être mentionnées. Or, à en croire la déclaration européenne, il a tout arrêté en 2012, lorsqu'il est devenu ministre.
Une chose est sure : Moscovici était visiblement beaucoup plus soucieux d'être précis dans sa déclaration d'intérêts pour la Commission européenne que pour la HATVP française. La preuve ? Dans la catégorie "informations complémentaires pertinentes", il a précisé qu'il était "membre de la Confrérie de la Saucisse de Boitchu", appelé aussi saucisse de Montbeliard. En clair, derrière le commissaire européen se cache un lobbiyste charcutier en puissance.
L'occasion de lire notre enquête sur l'opération transparence en France : "Transparence politique : des données oui, mais illisibles"