Dassault / immunité : chasse aux "traîtres" dans la presse
Vincent Coquaz - - 0 commentairesMais qui sont les traîtres ?
Contre toute attente, Serge Dassault, sénateur UMP, a gardé son immunité de sénateur malgré de nouvelles révélations dans la presse sur le "système Dassault" à Corbeil-Essonnes (achat de voix et tentative d'assassinat sur fonds de millions d'euros, on revenait longuement sur la question ici). Problème, le bureau du Sénat qui statuait sur la question est composé de 26 sénateurs dont 14 de gauche. Or la levée d'immunité n'a recueilli que 12 voix contre 13 (et une abstention). Si l'on considère que les 12 sénateurs UMP et UDI ont tous voté contre la levée (ce qui n'est pas certain), il manque au moins deux voix de gauche (un "non" et une abstention) à l'appel.
Le vote ayant été tenu à bulletin secret (alors qu'aucun règlement n'y oblige), la presse est partie depuis hier soir sur la piste des "traîtres" et des "menteurs" : "Un sénateur PS a-t-il voté contre la levée de l'immunité de Serge Dassault ?" se demande Le Monde.fr quand 20 minutes passe directement au "Qui sont les sénateurs qui ont voté contre la levée de l'immunité ?" Dans un article titré "Immunité de Serge Dassault: qui a voté quoi (et qui ne veut pas le dire)", Rue89 fait le point sur ce qu'on sait pour le moment. Et la seule certitude, c'est qu'il y a (au moins) deux menteurs. Pour Rue89, entre les déclarations et le résultat du vote "ça ne colle pas" Premier élément de l'enquête : les socialistes et les communistes ont collectivement déclaré avoir voté pour la levée, tout comme les trois sénateurs communistes. Le doute a alors plané un temps sur deux élus, un écologiste et un radical suite à une déclaration d'une sénatrice PS. Marie-Noëlle Lienemann, très remontée (alors qu'elle avait voté contre lors de la précédente demande de levée d'immunité), avait ouvert l'oeil, et le bon, pendant le vote : "Je ne pense pas que ce soit un socialiste qui ait voté contre. Tout le monde a vu le bulletin de l'autre, on était tous côte à côte. Il n'y avait que Bariza [Khiari, NDLR] qui était un peu plus loin, mais je ne pense pas qu'elle ait voté différemment. C'est donc un écolo, un communiste ou un radical" rapporte LeNouvelObs.fr. |
"Je soupçonne Jean Desessard", seul sénateur écologiste membre du bureau, confirme à L'Obs un autre député socialiste, arguant qu'il est "proche de Jean-Vincent Placé, qui entretient lui-même des rapports personnels avec Dassault". Mais les soupçons tournent court, les "accusés" (et Placé) n'ayant pas tardé à démentir. Desessard a confirmé avoir voté pour la levée et s'étonne de la myopie de Lienemann : "j’ai laissé mon bulletin en évidence sur la table, bien visible pour mes deux voisins, la socialiste Marie-Noëlle Lienemann et le communiste Gérard Le Cam !" a-t-il déclaré à Mediapart, vite rejoint par le radical François Fortassin qui dit avoir "voté “pour” car la justice doit pouvoir fonctionner".
Retour à la case départ, il manque toujours deux voix à la gauche. Si la presse n'arrive pour l'instant pas à démêler le vrai du faux, les internautes ont décidé de partir eux même à la chasse au traître, que ce soit sur Twitter ou sur le Tumblr "Qui a sauvé Dassault ?" qui encourage à contacter chacun des sénateurs et sénatrices qui ont voté pour afficher ensuite leur position sous leur photo. En attendant, Mediapart note qu'il sera sans doute impossible de savoir réellement qui a voté quoi mais qu'une sénatrice PS "ne s’est pas facilité la tâche" en refusant de révéler son vote… Il s'agit de Bariza Khiari (celle dont Lienemann n'a pu voir le vote). Une nouvelle piste ? A priori non, la sénatrice a finalement affirmé sur son blog avoir voté pour la levée de l'immunité de Dassault.
Ce n'est pas la première fois que le rapport de Dassault avec la gauche fait débat. En mars 2012, Jean-Luc Mélenchon s'expliquait longuement dans un entretien vidéo, à Mediapart sur son choix, en tant que sénateur, de s'être abstenu en 2004 sur la saisine du conseil constitutionnel pour connaître d'un éventuel conflit d'intérêt entre les casquettes de sénateur et d'industriel de Dassault. Il expliquait l'avoir fait par "courtoisie" et parce que le conseil constitutionnel avait déjà été saisi d'une question similaire pour son père, Marcel Dassault.
Une nouvelle pièce pour notre dossier "Don Dassault de Corbeil"