Dassault / Corbeil : service minimum au Figaro

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À lire Le Figaro, on pourrait croire que l'accusation de corruption qui plane sur Serge Dassault (son propriétaire) est un feu de paille. Mediapart a pourtant diffusé hier des enregistrements compromettants, dans lesquels l'on entend l'ancien maire de Corbeil-Essonnes évoquer son implication dans un système électoral frauduleux. Le quotidien, propriété de l'industriel, se retrouve embourbé dans un conflit d'intérêt.

Une seule et unique mention, lapidaire, des révélations de Mediapart dans l'affaire Dassault aura filtré dans les colonnes du Figaro. Hier soir, le quotidien du sénateur de l'Essonne s'est contenté d'un papier à décharge, avec simple copié-collé du communiqué de ses avocats, sous forme de démenti, où se côtoient les expressions "enregistrement pirate", "morceaux choisis" et "sortis de leur contexte".

 

Le lecteur du Figaro, s'il découvre l'affaire, n'y est informé concernant Dassault, que de sa supposée "générosité en faveur d'actions philanthropiques", de sa tendance à "utiliser sa fortune pour porter aide ou secours, quand cela lui paraissait utile et opportun, à des familles ou à des jeunes en difficulté ou désireux de lancer des projets professionnels", mais tout ça "en dehors de toute démarche électorale".


 

Difficile pour le quotidien d'échapper au grand écart déontologique, compte-tenu de son appartenance à Dassault depuis 2004. Un investissement qui pose la question du mélange des genres économique et journalistique. Interviewé par Pierre Weill sur France Inter le 10 décembre 2004, Dassault affirmait qu'un journal "permet de faire passer un certain nombre d'idées saines". Et le site Acrimed de rappeller que dans une émission de LCI en 1997 déjà, le milliardaire expliquait qu'il avait pour ambition de "posséder un journal ou un hebdomadaire pour y exprimer son opinion" et "peut-être aussi répondre à quelques journalistes qui ont écrit de façon pas très agréable."

De fait, depuis la lecture de la décision du Conseil d'Etat ("d’annuler ces opérations électorales, de rejeter le compte de campagne de Serge Dassault et de le déclarer inéligible pour une durée d’un an") datée du 8 juin 2009, on ne compte que seize papiers publiés sur la question dans Le Figaro (internet et papier additionnés), entre l'élection polémique du 16 mars 2008, et aujourd'hui. À titre de comparaison, Libération en a rédigés 62 sur la même période.

Mieux, passée la date fatidique du 8 juin, on ne recense que deux articles signés. Avec des angles évocateurs comme ce "Déclaré inéligible, Serge Dassault est "indigné", signé Guillaume Perrault, le 10 juin 2009, ainsi que celui d'hier. Le reste n'est qu'une collection de "flash actu" (crédités avec AFP et lancés sur le site uniquement) aux titres tout aussi soigneusement choisis: Inéligibilité/Dassault : "injustice totale" (le 9 juin 2009),Corbeil: la gauche contre Dassault (le 30 septembre 2009), Corbeil-Essonnes : Serge Dassault "serein" (le 29 mars 2013).



Le Figaro est même doublement coincé dans ce conflit d'intérêts (raillé aujourd'hui par Rue 89), : l'administrateur du groupe Dassault n'est autre que Jean-Pierre Bechter, actuel maire de... Corbeil-Essonnes.


Par David de Araujo

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