Dark Traffic : d'où viennent donc les lecteurs du Guardian ?

Robin Andraca - - 0 commentaires

L'audience anonymisée ferait-elle trembler The Guardian et les autres grands médias en ligne ?

La question se pose après la sortie de Tanya Cordrey, responsable numérique du site du quotidien britannique, qui a confié à Business Insider ne pas savoir d'où viennent la plupart des visiteurs de son site. Et cela pose visiblement un gros problème.

Le "Dark Trafic", nouveau cauchemar des éditeurs web, qu'est ce que c'est exactement ? La possibilité pour un internaute de se balader anonymement sur le net, sans que personne ne puisse savoir comment il a pu atterrir sur tel ou tel site. Et cette perspective angoisse visiblement beaucoup les dirigeants du Guardian. Il faut dire que la plupart du temps, les éditeurs web n'ignorent rien (ou presque) de vos allées et venues sur leur site. En gros : si vous cherchez un article sur Google, ils sauront, très facilement, que vous avez atterri sur leur site en passant par un lien Google, plus gros pourvoyeur de lecteurs en ligne avec Facebook. Et ces données leurs sont généralement très utiles, pour tout un tas de raisons éditoriales et financières (nous y reviendrons).

Mais le Guardian a fait une découverte étonnante il y a quelques temps. Sur plusieurs de leurs articles, la part de Dark Traffic est devenue plus importante que... celle provenant de Google ou Facebook. "On dirait qu'ils viennent de nulle part", confie ainsi Cordrey à Buisness Insider. Le Guardian n'est pas le seul dans ce cas (dans son papier, Business Insider confie avoir les mêmes soucis) mais le site britannique est le premier à communiquer aussi généreusement sur le sujet.

Sur ce graphique, fourni par The Guardian pour illustrer leur problème, les stats d'un papier devenu viral après avoir fait le buzz sur Reddit. En marron, la part de Dark Traffic.

Pourquoi diable cette tache marron ennuie à ce point-là le Guardian ? Pour plusieurs raisons. La première est éditoriale : les éditeurs web aiment bien en savoir le plus possible sur leurs lecteurs, et leurs habitudes de lecture. La seconde est financière : ces mêmes éditeurs préfèrent proposer à leurs annonceurs les données les plus précises possibles sur le profil de leurs lecteurs.

Les dirigeants du Guardian se sont évidemment largement penchés dessus et le problème semble venir... des versions mobiles de Google Chrome, qui auraient une fâcheuse tendance à effacer la trace des utilisateurs qui viennent d'une autre application. Cas pratique pour que ce soit plus clair : vous êtes sur votre téléphone, naviguez tranquillement sur l'une des quelques centaines de milliers d'applications proposées sur le Play Store de Google, vous voulez lire un article du Guardian, vous cliquez dessus, votre basculez alors sur l'application Google Chrome, lisez tranquillement votre article mais les statisticiens du Guardian ne sauront jamais d'où vous venez. "The Guardian avance donc à l'aveugle avec les millions d'utilisateurs d'Android", en conclut Business Insider.

D'autres raisons peuvent aussi expliquer ce fort taux d'utilisateurs intraçables. L'utilisation croissante du protocole sécurisé "HTTPS", depuis les révélations d'Edward Snowden, déjà mentionnée par le site The Atlantic en 2012, pourrait en être une. La popularité du moteur de recherche Duck Duck Go, qui permet aux internautes de naviguer anonymement et que certains surnomment déjà le "Dark Seach", une autre. Autant de nouvelles raisons, en tout cas, de déprimer pour Tanya Cordrey : "On s'attend évidemment à voir de plus en plus de Dark Traffic, surtout depuis que les gens consomment de plus en plus de contenus sur leurs mobiles", reconnaît-elle avant d'adresser un petite tacle bien placé à Google. "Sur iOS (le système d'exploitation d'Apple), ce n'est pas un problème puisque le navigateur s'éxécute à l'intérieur de l'application et peut indiquer la provenance. Mais les appareils Android ne fournissent pas les mêmes informations". Nouvelle guerre en vue entre les médias en ligne et Google ?

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