Crise de la presse : une solution ingénieuse
Daniel Schneidermann - - Financement des medias - 0 commentairesLecteurs qui hésitez encore à ouvrir
Le Nouvel Observateur, qui vous demandez si ce journal est bien digne de votre attention, n'hésitez plus : c'est un journal sérieux. Et prestigieux. La preuve : son fondateur, Jean Daniel, vient d'être élevé par François Hollande au grade de Grand officier de la Légion d'Honneur. "La récompense que j'ai reçue ajoute au prestige du journal, explique l'heureux décoré dans une interview-choc au...Nouvel Obs. On se dira sûrement, Tiens, c'est celui qui a fondé le Nouvel Obs. Cela donnera peut-être envie de le lire un peu plus".
A force de naïveté, cette analyse serait presque touchante. Voilà donc la solution à la crise de la presse : se rapprocher de l'Etat. Davantage d'interviews présidentielles sur les baisses d'impôts. Davantage de portraits de ministres, de sous-ministres, de dirigeants en tous genres. Davantage de fines analyses sur les dissensions internes des partis qui occupent, ou occuperont, l'Etat. Davantage de confidences off de fin de repas, pour nourrir les pages "Téléphone rouge". Davantage de directeurs de journaux voyageant à l'étranger en "invités personnels" des chefs d'Etat. Et en remerciement, davantage de hochets, de rubans, de grand croix, d'accolades, de réceptions. A coup sûr, c'est ce rapprochement qui élevera le niveau de confiance des lecteurs dans l'indépendance de l'information, et les détournera des voyous d'Internet, vivier de nouvelles non vérifiées et de rumeurs glauques, et qui ont parfois le culot (ou l'inconscience) de refuser les subventions d'Etat.
Ne nous moquons pas. Du haut de ses 93 ans, Sa Clairvoyance Jean Daniel ouvre une voie. Coïncidence : la Cour des comptes vient une nouvelle fois de souligner l'inefficacité totale des aides d'Etat à la presse, qui ont doublé depuis les Etats Généraux réunis par Sarkozy. Eh bien la voilà, la solution : que l'Etat subventionne donc la presse en décorations. Si la Légion d'Honneur n'y suffit pas, que l'on crée un Grand Ordre de l'Information, et qu'on décore, non seulement les fondateurs, les directeurs, mais les journalistes (dont la Cour préconise, une nouvelle fois, la suppression de l'abattement fiscal), et les kiosquiers. En établissant une équivalence d'un ruban par million, voici une belle source d'économie. Ne me remerciez pas, le conseil est gratuit.