Comment sauver la Grèce ? (presse européenne)

Gilles Klein - - 0 commentaires

Ce sont des images d'affrontements entre manifestants et policiers qui illustrent aujourd'hui les Unes de presque tous les journaux ayant choisi de s'arrêter sur l'aggravation de la crise économique et politique grecque. La situation menace la stabilité financière de la zone Euro, et est surveillée de près par les gouvernements, et les agences de notation. La presse grecque, elle, souligne plutôt les hésitations et l'incohérence du Premier ministre socialiste Papandreou.

En Grèce, le quotidien grec Elefthrotypia (de gauche) constate que l'actuel Premier ministre socialiste Georges Papandreou est dans le "vide", dans une "impasse" et qu'il a supris tout le monde, même au sein de son propre parti. Le quotidien Kathimerini (libéral) ne ménage pas non plus ses critiques contre le chef du gouvernement grec, qui a kaissé entendre qu'il allait démissionner, avant de changer de pied :

"Mercredi, nous avons assisté à une farce politique"

"L'opinion publique surprise, aussi bien en Grèce qu'à l'étranger, a d'abord été informée que le Premier ministre socialiste Georges Papandréou - évidemment secoué par la faillite de ses décisions économiques et politiques - acceptait de démissionner pour la former un gouvernement d'unité nationaleavec le chef du parti conservateur Antonis Samaras"

"Quelques heures plus tard, M. Papandréou est revenu sur sa promesse au motif que la perspective d'une coopération entre les deux partis dominants avait fait l'objet de fuites et s'était transformée en une opération de communication pour Samaras. Papandréou a ensuite annoncé un remaniement ministériel pour aujourd'hui."

"Cela provoque des dégats iiréparables pour la vie politique de la Grèce. La crédibilité du pays dans l'Union européenne a été ternie. Les citoyens grecs n'ont plus qu'à attendre de voir les conséquences de cette amateurisme - que certains qualifient de criminel - dans la gestion de la crise actuelle, et de l'avenir de la nation."

"Le pays n'est pas géré par l'opposition, les masses populaires, les syndicats, le monde des affaires ou par les experts. Papandreou nous a lamentablement fait échouer, et le prix de cet échec sera payé par toute la population, quelle que soit ses idées politiques."

Kathimerini jeudi 16 juin 2011


La presse française, comme la presse allemande et anglo-saxonne, s'intéresse à la crise grecque. Point intéressant : elle ne fait pas les gros titres en Espagne, au Portugal, ou en Italie. Dans les pays scandinaves, pas plus d'intérêt, sauf rare exception comme celle du Goteborg Posten suédois, avec une photo en Une, et un article en page intérieure (illustrée par la même photo de l'agence Reuters que celle de la Une des Echos : une jeune fille frappe le bouclier d'un policier anti-émeute).



"L'aggravation de la situation en Grèce, où le Premier ministre s'apprête à remanier le gouvernement, et le désaccord persistant des dirigeants de la zone euro ont provoqué hier une baisse générale sur les marchés, l'euro fléchissant de 2%. Dans ce contexte, les agences de notation Standard & Poor's (S&P) et Moody's ont fortement contribué à accroître les craintes des investisseurs", explique le quotidien Les Echos.

"Qui va gagner le bras de fer: la BCE ou l'Allemagne? (...) Faut-il, comme Berlin le souhaite, contraindre les créanciers privés à prendre une part significative du fardeau ou leur imposer des conditions moins strictes comme le suggèrent Paris et la Banque centrale européenne?"

"Un défaut grec provoquerait une réaction en chaîne dont l'issue est difficilement prévisible", y compris pour "la Banque centrale européenne, dont le portefeuille en obligations grecques est estimé à 45 milliards d'euros, sur le financement des autres pays périphériques et, in fine, sur l'ensemble du système financier de la zone euro", assure le journal économique.

pictoLes Echos jeudi 16 juin 2011


"À Paris, à Berlin, à Bruxelles et à Francfort, où siège la BCE, pas une voix ne conteste la nécessité d'empêcher coûte que coûte la Grèce de sombrer: il en va de l'intégrité de la monnaie unique et de l'Europe", estime l'éditorial du Figaro, qui constate l'échec du plan : "La démonstration est faite que la cure d'austérité infligée à la Grèce ne suffira pas à redresser la situation. Non seulement elle anéantit sa croissance, mais encore elle provoque une crise politique à Athènes. Après un an de soins intensifs et l'administration d'un remède de cheval, le pays se trouve au bord de l'effondrement."


Le Figaro jeudi 16 juin 2011 picto


"Ce sont désormais les argentiers du FMI et de l’Union européenne qui, de fait, dirigent le pays. Le gouvernement socialiste n’a plus d’autre solution que de suivre une feuille de route draconienne fixée à Washington et Bruxelles, selon un scénario qui rappellerait presque les situations de guerre ou de catastrophe humanitaire, quand la communauté internationale prend le relais d’un appareil d’Etat détruit, débordé, qu’il faut reconstruire de la base au sommet", constate l'édito de Nicolas Demorand dans Libération.

"Mais le pire reste que les réformes à la hache, l’austérité maximale, les privatisations tous azimuts n’ont pour l’instant pas permis d’arrêter une spirale qui fait courir un risque majeur à toute l’Union. (...) Si la rigueur économique peut être admise comme un mal nécessaire, ponctuel, elle ne saurait être le seul horizon ni le destin d’un pays. Le peuple grec chemine sur une ligne de crête, entre colère et désenchantement."

picto Libérationjeudi 16 juin 2011




"La désunion aggrave la crise grecque" remarque, lui, le Financial Times britannique, qui souligne que le FMI ne versera pas la prochaine tranche d'aide de sa participation de 30 milliards d'euros de soutien à la Grèce "avant que les gouvernements de la zone Euro s'entendent pour dire ce qu'ils font faire exactement pour boucher le trou grec". Le processus est bloqué "par le désaccord sur la restructuration de la dette grecque".

Le FMI aurait accepté que l'Europe recule sa décision "jusqu'au 11 juillet, date de la prochaine réunion des ministres européens des Finances à Bruxelles". Reste à savoir si la crise grecque et la pression des marchés permettront d'attendre jusque là.

Financial Times jeudi 16 juin 2011 picto

En Allemagne Der Tagesspiegel décrit les manifestations et les incidents en Grèce, avant de prendre du recul dans un deuxième aricle, pour s'interroger sur la crise morale qui se cache derrière la crise financière.

"La crise financière questionne les valeurs sur lesquelles repose l'Occident", écrit le quotidien allemand. "Et si l'économie de marché ne faisait que détruire la morale ? S'il détruisait ses propres fondations ?", s'interroge une économiste, Karen Horn, de l'Institut Der Deutschen Wirtschaft .

La Frankfurter Allgemeine Zeitung donne la parole à Mark Kerber, un professeur d'économie qui a porté plainte devant la cour fédérale allemande car il est opposé aux prêts à la Grèce et au mécanisme du Système Monétaire Européen qui, selon lui, poussent l'Allemagne vers l'abîme.

La Une de l'autrichien Kleine Zeitung résume bien l'opinion allemanique sur la crise avec le mot "Chaos" écrit en caractères grecs à la Une, sur la photo d'un tag montrant le visage barré de rouge du Premier ministre grec.

picto Kleine Zeitung jeudi 16 juin 2011

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