Comment espionner les fadettes d'Angeli ?

Daniel Schneidermann - - 0 commentaires

"Farfelues". C'est la réaction primesautière de "l'Elysée"

, sollicité par l'AFP, aux révélations de Claude Angeli, rédacteur en chef du Canard, qui assure que Sarkozy superviserait personnellement l'espionnage de journalistes enquêtant sur lui. C'est même très farfelu. Comment imaginer, en France, que la police secrète souhaite s'informer sur des journalistes? Et comment imaginer que sur un sujet aussi anodin, la DCRI cherche à se couvrir en demandant des consignes précises à l'Elysée ? Franchement, ces gens du Canard ont mauvais esprit (à noter que le Canard dédouane "sous réserve d'inventaire" la DCRI des trois cambriolages, qui auraient été confiés à "des officines". Le feuilleton appelle donc une suite).

L'intéressant, dans l'article du Canard, n'est pas seulement là. L'intéressant, c'est que Claude Angeli, qui grenouille dans les services secrets français depuis mon entrée au cours préparatoire, et doit connaître les prénoms des enfants de chacun de nos contre-espions, cite précisément "des sources anonymes au sein de la DCRI". Ce n'était pas obligatoire. Angeli aurait pu citer simplement "de bonnes sources". On lui aurait fait confiance. Ou bien, ne pas signer son papier, ou encore le signer d'un pseudo. S'il les cite, il est donc vraisemblable, non seulement que des farfelus parlent à Angeli, mais qu'ils ne voient pas d'inconvénient à ce que l'on sache, en haut lieu, qu'ils parlent. Et s'ils veulent qu'on sache qu'ils parlent, c'est qu'ils n'apprécient pas énormément cette mission farfelue.

Bien. Si vraiment tout espionnage de journaliste est supervisé directement par Sarkozy, et sachant qu'Angeli est un éminent journaliste, on imagine la suite : Sarkozy va immédiatement ordonner d'espionner Angeli. Mais quel agent désigner, pour cette mission délicate ? Comment le chef Squarcini (l'homme qui devrait écouter davantage la radio) pourra-t-il être certain que le désigné d'office à la surveillance d'Angeli ne sera pas précisément son informateur (lequel s'empresserait évidemment d'effacer son propre numéro de la fadette d'Angeli) ? Aïe. Voilà qui devient vraiment farfelu, chef. Et même farfelu au carré. Je rigole ? Oui. Parce que les régimes policiers sombrent immanquablement dans la bouffonerie ou la paranoïa. Ou les deux. On y arrive.

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