Cohen, Zemmour, Le Pen : migrations de la sympathie
Daniel Schneidermann - - 0 commentairesNatacha Polony va avoir sa propre émission sur Paris Première (groupe M6). Ca s'appellera Polonium.
Saisie à la fin de la conférence de presse de la chaîne, elle répond avec sympathie à des questions sympathiques de C à vous (France 5) à propos de ses collègues de chaîne Zemmour et Naulleau, attablés ce soir à C à vous (vous suivez ?) Qu'est-ce qu'elle envie à Naulleau ? "Son humour". A Zemmour ? Rire : "Ses costards". Lequel préfère-t-elle ? "Joker". Retour sur Zemmour, attablé-accablé : "elle préfère Naulleau. Normal, il est beaucoup plus gentil que moi". Bref, on marivaude, entre anciens mousquetaires de chez Ruquier, et désormais collègues de Paris Première.
Autour de la table de C à vous, comme chaque soir, Patrick Cohen. C'est le Cohen du soir. Etranges, quand même, les journées de Patrick Cohen. Prenons cette journée, sa journée d'hier. Elle commence vraiment sec avec Marine Le Pen, sur France Inter, qui le traite "d'adversaire politique déguisé en journaliste". Il lui envoie à la figure une citation d'un meeting de la veille sur les invasions barbares. L'autre : "non, je n'ai pas dit barbares, j'ai parlé des invasions du IVe siècle". On est dans l'implacable. On est irréconciliables. Sans concessions. Il y aura de quoi faire un bel extrait "buzz", un bel attrape-clics pour presse en ligne. Ca nourrit le débat.
C'est le Cohen du matin. Mais le soir, place au Cohen masticatoire, fourchette en main, chez les rigolos d'Anne-Sophie Lapix. Attablé à ses côtés, donc, Eric Zemmour. Celui dont Marine Le Pen a dit qu'elle le recruterait bien comme ministre de la Culture. Celui qui vient de reprocher à Merkel d'avoir "pris la responsabilité historique de détruire définitivement une Allemagne millénaire et de la transformer en un pays multiculturel". Bref celui qui, sur les migrants, pense exactement la même chose que Marine Le Pen : des envahisseurs. On lui demande s'il serait d'accord pour être ministre de la Culture de Marine Le Pen. Il plaisante : "pff, ministre de la Culture, c'est un job harassant". On insiste : "ministre de la Culture DE MARINE LE PEN". Là, Zemmour sent qu'il doit bien répondre. Alors il répond : "je ne suis pas dans la diabolisation de Marine Le Pen". Bref, Zemmour pense Le Pen, et Le Pen pense Zemmour. Pourtant surprise : ce soir, Cohen est tout sourire. On est entre potes. Le Cohen implacable du matin s'est transformé en commensal apaisé du pote de Marine Le Pen.
Pourquoi être si implacable avec Le Pen, et si sympa avec Zemmour ? Parce que tout le monde est sympa avec Zemmour, pardi. On sent que si Zemmour ne zemmourisait pas avec Naulleau sur Paris Première, il pourrait zemmouriser autour de la table, dans la bande à Lapix. Mais tout de même, cette métamorphose de Cohen. Question de chronobiologie ? Si Cohen recevait Zemmour le matin, et Le Pen le soir, serait-il moins sympa avec Zemmour, et davantage avec Le Pen ? Cette sympathie, qui migre si facilement de Cohen à Lapix, de Lapix à Zemmour, de Zemmour à Naulleau, de Naulleau à Polony, pourquoi est-elle bloquée par des barbelés, avant de s'étendre à Marine Le Pen ? Allons, Patrick Cohen. Détendez-vous. Apprenez à être aussi enjoué avec la copine de Zemmour, qu'avec Zemmour lui-même. Le plus dur est déjà fait.