CIA contre congrès US : accusations croisées (presse US)
Gilles Klein - - 0 commentairesLa CIA accusée d'avoir fouillé dans les documents d'une commission d'enquête du Sénat sur la torture de suspects de terrorisme. Et pire, l'agence de renseignement aurait retiré près de mille pages de documents. L'accusation a été lancée publiquement par une sénatrice démocrate.
"Pourquoi la sénatrice Dianne Feinstein a-t-elle déclaré la guerre à la CIA ?" titre CBS, citant le discours que la sénatrice a prononcé mardi devant l'assemblée; Une commission sénatoriale que Feinstein préside accuse la CIA d'avoir caché ou supprimé des documents concernant des méthodes d'interrogatoire musclées pour faire parler des suspects de terrorisme après le 11 Septembre 2001. De son côté, la CIA accuse les sénateurs d'avoir accédé à des documents qu'ils n'auraient jamais dû lire, avant de rédiger le rapport de 6 300 pages (resté secret) qui conteste l'efficacité des méthodes brutales de la CIA. |
C'est donc Dianne Feinstein (70 ans, sénatrice de la Californie, amie d'Obama) la présidente de la commission du renseignement qui s'est muée en lanceuse d'alerte. Dans le détail, Feinstein accuse la CIA d'avoir présenté les conditions de détention et d'interrogatoire des suspects de terrorisme comme nettement plus douces qu'elles ne l'ont été dans la réalité. En mars 2009, une commission d'enquête a été créée et elle a exigé d'avoir accès à tous les documents. Au lieu de cela, Léon Panetta, nouveau patron de l'agence qui venait, à l'époque d'être nommé, a proposé que les membres de la commisssion se déplacent dans une installation secrète de la CIA, en dehors de son quartier général pour y consulter des documents mis à leur disposition par la CIA sur un réseau de 8 ordinateurs. Mais les élus démocrates et républicains se sont trouvés face à une masse de plusieurs millions de documents non classés, dans lesquels il fallait fouiller au hasard. Ils ont compris que la CIA n'avait pas du tout l'intention de coopérer, raconte le Washington Post. De plus, en 2010, les sénateurs ont constaté que des milliers de documents avaient été été retirés, sans aucune explication ni préavis, et que la CIA espionnait les enquêteurs du sénat. Du coup, la commission a décidé d'imprimer les documents qui l'intéressaient, alors que ce n'était pas prévu dans l'accord signé avec la CIA. |
Le discours de Feinstein a évidemment créé une polémique, et les médias américains se sont emparés du sujet. Ainsi,L'éditorial du New York Times ne mâche ses mots : "La CIA a caché la torture" en expliquant que Feinstein présente des preuves qui semblent prouver que la CIA a commis des délits pour éviter que l'on découvre ses méthodes.
Le ministère de la Justice a été saisi de l'affaire par la CIA d'un côté et par la commission de l'autre, mais ses enquêteurs ne semblent pas décidés à s'impliquer, ou à prendre parti, dans une affaire aussi sensible qui met en cause la séparation des pouvoirs entre le Parlement et la CIA.
"La CIA dément les accusations d'espionnage lancées par le Sénat" titre le Los Angeles Times. Le sujet a aussi fait la Une du New York Times, qui souligne (sur une colonne, à gauche) que la sénatrice Feinstein a pourtant toujours été une farouche défenseuse de la CIA. Elle a aussi soutenu la NSA losrqu'elle a été critiquée, cet été, lors de l'affaire Snowden.
Evidemment la CIA a réagi rendant l'histoire assez cocasse puisqu'elle a accusé les sénateurs d'avoir... piraté la base de données mise à leur disposition, en accédant à des documents théoriquement innacessibles.
Quoiqu'il en soit, les critiques contre la CIA fusent dans les medias. Un éditorial du Chicago Tribune titré "La CIA une agence qui échappe à tout contôle" s'inquiète : "Pour quoi les gens en charge de notre système de sécurité se comportent-ils comme s'ils pouvaient faire n'importe quoi? Parce que personne ne les en a jamais empêchés. Et le pire, c'est que personne ne peut le faire."