Chypre : même les déposants allemands doutent !

Gilles Klein - - 0 commentaires

Chypre négocie avec Bruxelles pour ne pas taxer les petits comptes bancaires, tandis que le parlement repousse le vote de la loi jusqu'à demain et que les banques restent fermées sur l'île jusqu'à mercredi. La presse britannique est choquée par la taxe. La presse allemande inquiète pour le système bancaire européen et pour les clients des banques germaniques.

"Chypre négocie en urgence avec l'Union Européenne pour tenter d'adoucir la taxe de 5,8 milliards sur les dépôts bancaires" titre le Financial Times avec une photo de Chypriotes devant des distributeurs de billets. L'éditorial du journal condamne la décision de l'Union Européenne : "Face à un de ses membres qui se noie, au lieu de lancer une bouée de sauvetage à Chypre, les leaders européens lui mettent une pierre autour du cou" et ajoute que cette mesure va à l'encontre d'un "futur système bancaire européen où les contribuables seraient protégés des pertes des banques (...) où les épargnants peuvent avoir confiance quand ils déposent de l'argent." Les responsables européens "viennent simplement de jeter de l'essence sur le feu".

"La crise de Chypre secoue la zone euro" pour le quotidien londonien des affaires

"L'alerte à la taxe sur les économies placées en banque provoque la peur dans toute l'Union Européenne" pour The Times dont l'éditorial critique la mesure qui, selon lui, menace la stabilité de tout le système bancaire européen. "Si les épargnants craignent qu'on prenne leur argent, ils le retireront à la moindre alerte. Les politiques ont augmenté le risque d'une panique bancaire européenne. C'est un pari très risqué".

"Le raid de l'Union Européenne sur les économies menace la reprise" pour le Daily Telegraph.

"Le hold-up bancaire de l'Union Européenne" dénonce le grand quotidien populaire Daily Mail (environ 2 millions d'exemplaires) qui souligne que les contribuables britanniques qui ont de l'argent à Chypre sont les victimes d'un "raid scandaleux"

Pour le Wall Street Journal, le "plan européen pour aider Chypre comporte des risques" et les Européens "ont franchi la ligne rouge qu'ils avaient respectée jusqu'à présent en évitant de faire payer les clients pour sauver leurs banques. Pour y arriver, la Banque Européenne a menacé de pousser les deux plus grandes banques chypriotes à la liquidation".

même les déposants allemands doutent

Le mot "Zypern" (Chypre en allemand) est à la Une des principaux quotidiens allemands.

"Si ce n'était pas si lamentable, l'amateurisme de cette politique de sauvetage ferait presque pitié (...) Les politiques ont trahi de manière flagrante le contrat de confiance" écrit WirtschaftsWoche, équivalent allemand de BusinessWeek.

Même si la taxation des dépôts est adoucie en faveur des petits comptes, et donc rendue plus "socialement acceptable" estime Suddeutsche Zeitung, "il y a un risque de retrait massif qui viderait les banques, le tout accompagné d'une fuite des capitaux vers d'autres pays" avant de raconter que l'Allemagne, mais aussi la France ont menacé Chypre pour l'obliger à accepter cette taxation. Le quotidien ajoute que le président russe, Vladimir Poutine, lui-même, a présenté ce prélèvement obligatoire comme une mesure "inéquitable, non professionnelle et dangereuse".

"Les économies des Allemands sont-elles encore en sécurité ?" s'interroge longuement Die Welt qui rappelle que jusqu'à présent les banques européennes garantissaient les dépôts des particuliers jusqu'à 100 000 euros. (...) Mais depuis samedi beaucoup d'Allemands doutent de cette sécurité même limitée à 100 000 euros". Pour un analyste de RBS cité par le journal "La zone euro a brisé un tabou". Même inquiétude pour un porte-parole du SPD (le parti social-démocrate opposé à Merkel). Selon lui, cette mesure "peut saper la confiance en la stabilité financière de toute la zone euro". Le journal remarque que la peur s'étend maintenant à tous les pays fortement endettés, comme l'Espagne où la banque nationale a été obligée de faire un communiqué se voulant rassurant. Exactement comme l'a fait Angela Merkel citée par le porte-parole du gouvernement. Die Welt rappelle enfin qu'en Allemagne ce n'est pas l'Etat qui garantit les dépots bancaires, ce sont les banques privées qui alimentent un fonds commun.

Sur les forums des sites allemands, les commentaires expriment généralement une forte inquiétude, craignant qu'en cas de crise les banques allemandes taxent elles aussi les dépôts.

"Si Chypre a une si faible importance économique pourquoi avoir pris un risque systémique qui menace toute l'Europe" se demande ainsi l'éditorial signé par le rédacteur en chef sur deux colonnes à la Une de Frankfurter Allgemeine.

"La peur d'une panique bancaire à Chypre" pour Frankfurter Rundschau

Lire sur arretsurimages.net.